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Vocabulaire

La richesse du vocabulaire du nouchi est caractérisée par des mots venant de plusieurs langues.

À côté de cela, il y a ce qui caractérise les argots : ce sont les expressions métaphoriques. Le nouchi n’en fait pas l’exception !
Comme tout parler argotique, le vocabulaire du nouchi est toujours en mouvement. Cette instabilité se fait au rythme des événements culturels, sociaux et politique en Côte d’Ivoire, comme ailleurs.

Les Abréviations
           Mot di. = mot dioula
           Mot fr. = mot français
           Mot hyb. = mot hybride
           Mot OI. = mot d’origine inconnue



N.B : Les exemples sont écrits dans l'écriture du nouchi proposée. Voir sur le site!

3.1. La création des mots en nouchi

3.1.1. La création des mots à partir d’éléments du français
Le nouchi est une langue à base française. Les mots qui proviennent du français sont pour le moment les plus nombreux. On peut les estimer à 35%. Mais ça dépend souvent des lieux et de ceux qui le parlent. Dans les ghettos par exemple les mots français sont moins que ça, alors que chez les lycéens ils sont plus. Normal, non ?
Mais, quand ces mots français sont utilisés dans le nouchi, ils n’ont pas souvent le même sens ou ils ne sont prononcés de la même manière. Les mots d’origine française du nouchi ont tout simplement diverses formes. Voyons-les !

D’abord, notons qu’il y a bon nombre de mots d’origine française qui sont prononcés normalement, ou presque. Vous les remarquerez vous-mêmes. Occupons-nous plutôt de ceux qui subissent des transformations dans le nouchi.

           Il s’agit de la troncation ou chute d’un ou plusieurs sons à la fin du mot.
Exemples :
(1)- cracra (mot fr.\ craquer) : Mot tronqué et rédupliqué. Il signifie "gronder, s’en prendre à  quelqu’un ".
Jê cracrasur êl.  "Je ne suis pris à elle."
(2)- Po (mot fr. \ poser) : Bien assis, être dans une situation confortable.     
Yé swi poici.  "Je suis bien installé ici."
(3)- Bri  (mot fr. \ Brigand) : 1. Délinquant. 2. Agresser.
1. Cê in bri.  "C´est un délinquant."
2. Ils l’onh bri à Koum.  "Il l’ont agressé à Koumassi."

           C’est la troncation (chute) au début du mot.
Exemples:
(1)- Têz  (mot fr. \ Foutaise) : Insolence.
Tu a lês têzs, hin. "Que sont ces insolences (qu’est-ce que tu fais) ?"
(2)- Trizé (mot fr. \ Maîtriser) : Maîtriser, garder son sang-froid, s’abetenir.
Yê trizé.  "J’ai gardé mon sang-froid."
(3)- Fianss (mot fr. \ Confiance) : Confiance.
Yê fianss, Ya pa dra!  "J’en ai confiance, il n’y a pas de problème !"

Les messages du nouchi sont très souvent frappés par une déformation intentionnelle d’un grand nombre de mots des phrases ou d’expressions du français afin de voiler les termes du message et dans l’intention de tromper les profanes.
Exemples:
(1)- Qéchia ~ Qéssia (mot fr.\ Qu’est-ce qu’il y a) : Qu’est-ce qu’il y a ; Ingrédients, composants.

  1. Qéchiamêm ?  "Qu’y a-t-il ?"
  2. Y’avê tou lês qéchias. "Il y avait tous les composants."

(2)- Conhan (mot fr.\ comme ça) : Comme ça, de cette façon.
Fo djêguê conhan...  "Il faut la nettoyer comme ça, de cette façon."
(3)- Kèr (mot fr.\ cœur) : Courage.
1. Son kèr ê mor. "Il a peur, il a perdu courage."
2. Yê pri fo kèr. "J’ai eu le courage de le faire, je l’ai défié."
3. Jê mi mon kèr dan ma bouch.  "Je me suis calmé."
4. Tu vé prandr kèr ahê mwa ? "Tu veux me défier ?"

-          Suffixation

Les suffixes généralement utilisés sont les suivants (à l’écrit). : -er, -ade, -age, ement, -aille, etc. Le recours à ces suffixes aboutit à la formation de mots permettant au Nouchi d’exprimer une réalité donnée de leur monde ou de mettre l’accent sur l’élément principal du message. Toutefois il faut noter une accentuation des consonnes qui précèdent les suffixes par les locuteurs, comme si sans elle les suffixes ne retrouveraient pas leurs sens.

Exemples :

(1)- Sianssé (mot fr.\ science) : 1. Plaire, intéresser. 2. Regarder.
1-     Êl me sianss pa.  "Elle ne me plaît pas."
2-     Fo sianssé dabor !  "Il faut regarder d’abord !"
(2)- Bingoulé(Mot O.I ) : Partir, sortir pour s’amuser.
On va bingoulé à Bassam. "On va faire une sortie à Bassam. "
Bingoulade : Sortie, excursion, divertissement.
On’a tro fê lês bingoulads... "On s’est beaucoup amusé."
(3)- Pointaj : Le fait de faire la cour à quelqu’un, à une fille.
Cê mon pointaj. "C’est la fille à qui je fais la cour / C’est la fille que je convoite."
(4)- Dégagéman(mot fr.\ dégagement) : Sortie.
On’a fê in dégagéman.  "On a entrepris une sortie."
(5)- Pok(mot fr.\ poser) : Mot tronqué et suffixé signifiant « être bien assis, être dans une situation confortable ».
On étê pokaï.  "On était confortablement assis, installé."
-          Préfixation ou préfixation et suffixation
On a par exemple l’usage des préfixes « de » ; « en, em ».
(1)- Dépanssé (mot fr.\ de-penser) : Agir rapidement, sans réfléchir ; être pragmatique.
Il panss pa dêh, il dépanss !  "Il est prompt à l’acte !"
(2)- Dékrou (mot hyb.\ de-krou) : Présenter, faire sortir.
Fo le dékrou le piêr, man !  " Présente (donne) l’argent, mon cher ami !"
(3)- Enboulé (mot fr.\ en-boule penser) : Rendre une  fille grosse, grossir.
Il’a enboulé sa go. "Il a grossi sa petite amie."
-          Le Suffixe argotique /o/
À la manière des argots français, les gens du nouchi recourent également à la suffixation par la voyelle /o/ pour créer des mots.
Exemples:
(1)- Samko (mot fr.\ samedi) : Samedi
Ojourdwi, cê samko.  "Aujourd’hui, c’est samedi."
(2)- Grando (mot fr.\ grand) : Grand-frère, l’aîné.
Cê mon grando qi m’a tchoun. "C’est mon grand-frère qui me l’a passé."
(3)- Lacho(mot fr.\ lâche) : Agir avec lâcheté, surprendre.
Je l’ê pri en lacho.  "Je l’ai surpris."

2.2.2. La création des mots par suffixation d’éléments de l’anglais     
On a le suffixe « ing » et le mot « man » (signifiant « homme » en anglais). Ce dernier est utilisé comme suffixe en nouchi. Il sert à créer des noms (d’auteur), des agents.
Exemples:
(1)- Grouying : Débrouillardise. Grouyé signifie "se débrouiller".                                                           
Dan mês grouyings... "Au cours de ma débrouillardise... "
(2)- Pêrsing : Réussite ; Percer signifie "réussir".
Cê in pêrsing !  "C’est une réussite, une bonne action !"
(3)- Zraman : Drogué. Zra signifie "prendre la drogue".
Cê in zraman... "C’est un drogué."
(4)- Choman : Homme actif, dynamique, éveillé, vigilant. Ce mot est composé de « chaud » du français et de « man » de l’anglais, employé comme suffixe.
Le choman ê baré. "Le bonhomme vigilant est là."
(5)- Daïkoman:Ivrogne. Ce mot est composé de « die » de l’anglais signifiant « mourir », du suffixe [ko] du diaoula et de « man » de l’anglais.
In daïkoman conhan !  "Un ivrogne comme cela ! (Espèce d’ivrogne !)"
(6)- Daframan : Ivrogne. Dafrasignifie « boire de l’alcool, se soûler la gueule »
Ton gar daframan là a dja. "Ton ami ivrogne en question est mort."

2.2.3. La création des mots par suffixation d’éléments du dioula
Les suffixes du dioula utilisés sont : ya, ko, li. Ils servent à former les substantifs (noms). On pourrait s’interroger sur les raisons du recours aux suffixes d’une langue des leurs. Il permet d’exprimer une qualité, un sentiment, la façon d’être, etc. Il y a une certaine force impressive dans l’usage de ces suffixes.
Exemples :
(1)- Bradrwaya : Amitié ; c’est-à-dire « bras-droit-ya ».
Je swi pa fan dês bradrwayas conhan. "Je n’aime pas ce genre d’amitié. "
(2)- Daïko : Ivresse, ivrogne. Daï est un emprunt à l’anglais « die », signifiant "mourir" ; « être die » signifie en nouchi "être soûlé".
Cê in daïko. "C’est un ivrogne. "
(3)- Zangoli : Habillement, vêtement. Zango signifie "s’habiller".
Lês zangolis-oh !   "Que de beaux vêtements ; comme tu es bien habillé !

(4)- Tataliya : Rapports sexuels.
Lês tatalias. "Les rapports sexuels"

2.2.4. La création mots hybrides    
Ce type de créations sont des compositions d’éléments de différentes langues.
(1)- Bramôgô (mot fr-di.) : Ami, compagnon (de galère).  
Bramôgô, on di qwé ? "Cher ami, quoi de neuf ?"
(2)- Brimougou (mot fr-di.) : Violer.  
Il’a brimougou la go. "Il a violé la  jeune fille "

2.2.5. La création mots onomatopéiques et idéophoniques  
Une autre manière de créer les mots en nouchi est de se référer au bruit ou à l’idée que l’on se fait du déroulement de l’action.

Ces mots, qui représentent le bruit, se caractérisent souvent par leur forme : il y a répétition de la syllabe.
Exemples:
(1)- Bao : Onomatopée traduisant la détonation d’une arme. Ce mot signifie "pistolet ; fusiller".

  1. Le gar a dédja son bao... "L’homme a brandi son pistolet."
  2. Lês milos l’on bao, vitt. "Les militaires l’ont abattu sans attendre."

(2)- Djouroudjara : Onomatopée traduisant le bruit de l’éventration (d’un bœuf par exemple) ; ce mot signifie "piquer, agresser".
Jê djrouroudjara lwi. "Je l’ai agressé."

Comme les onomatopées, certains mots sont créés en liaison avec l’idée que les gens du nouchi se font du déroulement de l’action. Ces mots sont appelés mots idéophoniques ! En  fait, c’est une façon de créer les mots propres aux langues africaines. Voyons quelques exemples.
(1)- Waha : Idéophone évoquant "la multiplicité, le caractère d’une chose nombreuse".
1. Ya waha de gos!  "Il y a beaucoup de jeunes filles !"
2. Cê vêrsé waha. "Il y en a beaucoup."
(2)- Foum : Idéophone évoquant "l’éloignement ".
Yê pri foum.  "Je suis parti."

2.3. La création des expressions métaphoriques
Ici, nous allons interpréter quelques expressions métaphoriques du nouchi, et vous verrez là aussi le génie créateur de cette fameuse langue !
Exemples :
1-     « Mêtr pann sur qêlkin » "gronder quelqu’un"
L’expression est basée sur le mot « panne » du français, se rapportant par exemple à la panne d’une machine ; l’arrêt du fonctionnement du mécanisme.
Ex : Y’ê mi pannsur lwi !  "Je l’ai grondé !"
2-     « Mêtr crwa sur qêlkin » "Rompre les relations avec quelqu’un"
Cette expression provient de l’idée de barrer quelque chose en faisant des croix dessus, souvent avec énervement, pour marquer un désaccord, un refus.
Ex :Êl’ a mi crwa sur mwa.  "Elle a rompu les relations avec moi."
3-     « Sianss » "Action, acte, affaire"
On connaît ce qui est le propre de la science par comparaison à la littérature : l’expérimentation, donc la l’action. Ce mot, toujours employé au pluriel, est utilisé pour traduire un quelconque acte.
Ex : Yé swi pa fan dê sianss conhan…  "Je n’aime pas ce genre d’actes…"

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