Un soir de vendredi. Il est 20 h30. J’appelle un de mes amis pour une sortie. Quand il décroche, j’entends, à l’arrière-plan, des gens qui chantent des paroles d’église. Il me dit qu’il est hors d’Abidjan, à des funérailles : « Tu te rappelles, je t’avais dit que j’allais ce week-end à des funérailles, à l’intérieur du pays. »… Les funérailles !!! Un véritable phé- nomène de société ivoirienne ou africaine auquel nous consacrons désormais nos fins de semaine ; et cela, dès le jeudi, raccourcissant ainsi les heures de travail déjà non suffisantes. Nous en avons fait une habitude et une fatalité sans nous rendre compte que c’est la consé- quence directe d’une mauvaise santé de notre population ! La fré- quence et la succession trop rapprochée des funérailles est le signe d’une baisse de l’espérance de vie car ceux qui meurent sont de plus en plus jeunes. Et nous acceptons cet état de fait comme si cela émanait de la volonté de Dieu, ou des effets maléfiques des sorciers du village !
Combien de fois n’avons-nous pas entendu cette malheureuse phrase ? : « Il (ou elle) ne se sentait pas bien et est tombé, raide mort » Ou alors « Il est mort de courte maladie ! » ; ou enfin, « c’est de la sorcellerie !! » Je me suis plongée dans une lecture sur L’Economie du développement, un essai écrit par Perkins, cherchant à comprendre ce phénomène. Pour l’auteur de ce livre, la faiblesse des revenus n’explique qu’en partie l’écart de l’état de santé entre les pays.
Dans le chapitre « Santé », Perkins nous informe ainsi que la mortalité infantile au-dessous de l’âge de cinq ans nous indique l’état de santé d’un pays. Il fait la comparaison entre l’espérance de vie au Danemark et celle en Sierra Leone. Le résultat est sidérant : pour une même population, il note près de 283 décès d’enfants de moins de cinq ans en Sierra Leone, contre à peine cinq enfants au Danemark ! Le constat est clair : on meurt moins dans les pays développés que dans les pays pauvres.
Et pourtant, il nous suffirait de maîtriser un ensemble de facteurs pour améliorer la santé et par conséquent la vie, dans nos pays. En somme, si Kouassi ou aya, ou l’enfant de Gertrude se trouvait au Danemark, il aurait beaucoup plus de chance de survivre qu’en Sierra Leone. Ce n’est donc pas une fatalité !!! Il faut agir sur les facteurs de risque ! Selon Perkins, les facteurs de risque sont les suivants :
1- l’eau potable inaccessible chez nous
2- le faible niveau d’éducation : 60% de la population est non éduqué chez nous
3- les niveaux des dépenses de santé : rien que 8% du budget de l’Etat est consacré à la Santé
4- les facteurs de risques environnementaux : la pollution atmosphé- rique (ces woro et taxis qui crachent la fumée, les montagnes d’insalubrité, les ordures ménagères, les mains non lavées avant de les porter à la bouche)
5- la médiocrité de l’état sanitaire : la rareté de wc publics dans les villes
6- l’absence d’hygiène dans les zones rurales et urbaines
7- la faiblesse des revenus
8- le programme de vaccinations et de couverture vaccinale très souvent insuffisant
9- le difficile accès aux soins : les centres de santé sont souvent loin des points de population
10- l’absence chronique du personnel de santé qui, souvent, fait défaut dans certaines zones rurales
11- le manque de professionnalisme du personnel de santé Tous ces facteurs jouent sur la balance de la mortalité et la morbidité de la population.
Pour mieux nous faire comprendre, établissons l’équation simplifiée suivante en désignant F comme la somme de tous ces facteurs, et X, la constante. Cela donne : FREQ des funérailles = X/F Si F baisse, la fréquence des funérailles augmente Si F augmente, la fréquence des funérailles baisse Si tous ces facteurs de risques répertoriés par Perkins ne sont pas maîtrisés, nous mettons nos vies en danger. Si nous nous concentrons sur l’amélioration de ces facteurs de risques, nous pouvons espérer une meilleure longévité.
Tel est le défi à relever et auquel sont confrontés les pays sous-développés ou ceux en voie d’émergence. Pour se concentrer sur l’amélioration des facteurs de risques, un des moyens les plus simples est l’éducation de la population. Eduquer à la santé, transmettre l’information sur les facteurs de risque de la manière la plus simple pour que tout le monde la comprenne. Véhiculer l’information avec répétition dans les journaux, à la télévision, par le cellulaire, sms, lors de tout rassemblement de population, dans les marchés, les fêtes, les festivals, tout événement, émissions télévisées pour adultes ou pour enfants, etc. C’est à ce prix que nous pourrons amoindrir les pertes en vies humaines !
Le Mandat
Entre nous... Par Dr Melanie Usher
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