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28 Aoû

Afrique: la culture Coca-Cola menacée par les noodles

En Afrique, les Chinois ne pratiquent plus seulement la diplomatie du carnet de chèques. Au moment où le continent africain semble décoller pour de bon, les Chinois vont-ils rafler la mise?

Un peu d'eau, un sachet de noodles, et le repas est prêt : à Accra, au Ghana, les nouilles chinoises remplacent de plus en plus souvent le kenkey. Des affiches en idéogrammes, qui mettent en scène des jeunes gens aux yeux bridés, ont recouvert les pubs de l'indétrônable Coca-Cola pour vanter les performances du dernier téléphone Huawei. Barack Obama a vu venir le danger et organisé, début août, à Washington, un sommet Etats-Unis-Afrique clôturé par l'annonce de 33 milliards d'investissements sur le continent.

Les Français qui, eux, s'efforcent de reprendre pied à Yamoussoukro ou à Dakar après avoir délaissé leur ancien pré carré, ont retrouvé certains de leurs fiefs occupés par les entreprises de l'empire du Milieu. Au moment où l'Afrique semble décoller pour de bon - elle place six pays parmi les dix premières croissances mondiales - les Chinois vont-ils rafler la mise?

Les chiffres sont prodigieux, et faciles à retenir : le volume des échanges commerciaux entre la Chine et le continent africain a été multiplié par 20 depuis 2000, pour culminer à 200 milliards de dollars l'an passé, le double de celui qu'atteignent les Etats-Unis. Depuis vingt ans, en Afrique anglophone ou francophone, routes, ports, hôpitaux ou pipelines, sans parler du nouveau siège de l'Union africaine à Addis-Abeba, sont construits et pré-financés par les Chinois ; c'est la fameuse diplomatie du carnet de chèques, d'autant plus aisée pour Pékin que ses excédents commerciaux lui fournissent de solides marges de manoeuvre. Les Chinois accusés de néocolonialisme

Mais la stratégie a évolué, et les Chinois ne se contentent plus d'acheter des matières premières et de vendre des infrastructures : 2500 entreprises chinoises se sont implantées. Au Burkina Faso, par exemple, ils ont créé une usine de panneaux solaires et, peu à peu, pris le contrôle du marché des énergies vertes. Celui de la technologie aussi : ils vendent des millions de téléphones portables, moins chers que les modèles américains, dans des pays qui n'ont pas eu le temps d'installer le téléphone filaire ; ces moyens de communication ont joué un rôle essentiel dans le démarrage de la croissance. Moins connue, la coopération militaire a fait de Pékin le premier fournisseur d'armements de l'Afrique subsaharienne, devant l'Ukraine et la Russie.

Certains accusent les Chinois de vouloir "exporter leur modèle", et notamment leur modèle de développement autoritaire. Le Parti communiste chinois entretient des relations avec un nombre croissant de formations politiques africaines, qui voient en lui un contrepoids à l'influence idéologique occidentale, comme à Cuba où la Chine a remplacé l'Union soviétique.

Mais l'Afrique n'accepte pas pour autant de devenir la chasse gardée des Chinois. Déjà, ils se font accuser de néocolonialisme. Une méfiance se développe à l'encontre de la "Chinafrique". Au Ghana, 168 clandestins chinois ont été arrêtés pour exploitation de mines d'or illégales ; au Tchad et au Niger, des salariés africains de l'industrie du pétrole font grève pour inégalité de salaires. Des voix s'élèvent pour dénoncer l'utilisation d'ouvriers venus de Chine plutôt que de la main-d'oeuvre locale, et déplorer la mauvaise qualité des infrastructures bâties par les Asiatiques.

Les autorités de Pékin ont senti le péril monter : juste avant le sommet américano-chinois, les Chinois ont appelé les Etats-Unis à coopérer avec eux pour la construction et le financement des infrastructures du continent. L'approche multilatérale est donc encouragée désormais. Autant dire que Coca-Cola et McDo n'ont pas de souci à se faire : l'envie d'Occident et, par-dessus tout, du rêve américain n'est pas près d'être remplacée par le modèle chinois - sauf, peut-être, pour les noodles.

Gbich

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