Pour être belles, les femmes ont plus d’un tour dans leur sac. Porter désormais les cheveux des autres en fait partie. Mais à quel prix ?
Mélissa Yao a 24 ans, elle porte une longue chevelure bouclée qui descend jusqu’aux épaules. Ces mèches lisses, souples, et agréables au toucher sont dites humaines. Cette coiffure a coûté à Mélissa la somme de 350 000 Fcfa.
Comme elle, les femmes sont de plus en plus nombreuses à porter ces mèches provenant de la tête de femmes indiennes ou brésiliennes. Ni la religion, ni la morale, encore moins l’origine de ces mèches ne les freinent. « Une fille qui porte des mèches humaines n’est pas n’importe qui hein! », s’écrie Aya Kouakou. La jeune fille d’une vingtaine d’années porte des tresses.
Pour Nadia Koassi, porter des mèches humaines est un moyen de se distinguer et de se faire remarquer. « C’est classe et « swague pour celles qui connaissent quand tu les portes, tu ne passes pas inaperçu. Quand j’ai les moyens, je n’hésite même pas. J’adore ça », dit-elle enthousiaste.
Les mèches humaines sont ce qu’il y a de plus économique et durable pour certaines. Elles soutiennent que ces mèches peuvent être portées autant de fois que souhaité tandis que les synthétiques ne durent au maximum que 2 mois et ne peuvent pas être reportées.
Christiane Yolande Touré est de cet avis. « Moi, je préfère dépenser 200 000 à 300000 Fcfa dans des mèches humaines qui vont durer plus d’une année que de dépenser 15000 F Cfa toutes les deux semaines », a-t-elle laissé entendre. Agée d’une trentaine d’années, Christiane porte de longs cheveux humains. Et combien vous a coûté votre coiffure ? « Cela fait la deuxième fois que je les porte. Cela m’a coûté 300 000 Fcfa, (les mèches, le tissage et l’entretien). Je me sens belle avec», affirme-t-elle avec assurance.
La grande question reste donc posée. D’où proviennent ces mèches humaines ? Produites principalement en Asie, elles qui (font le bonheur des dames africaines) sont récupérées dans les temples où les femmes indiennes et leurs enfants font don de leur tignasse aux dieux. Le temple Tirupati situé dans la ville d’Andhra Pradesh au Sud de l’Inde, en est le premier fournisseur mondial.
Directement prélevés sur les adeptes par une armée de Barbers (barbiers), les cheveux sont ensuite vendus aux industriels et aux grossistes. Mme N’Guessan importe des mèches humaines depuis quelques années. Dans le cadre de son commerce, elle se rend fréquemment en Inde, à Dubaï et au Ghana. Elle explique que le marché est très porteur. « Les femmes aiment ce qui est cher, ce qui les distingue des autres », dit-elle.
Selon une coiffeuse, Aminata Fofana, coiffer une seule tête avec des mèches humaines est plus rentable que faire 5 têtes en synthétique. « Elles ne vont pas acheter leurs mèches à 200000 Fcfa et les tisser à 6000 francs, ne serait pas logique », déduit- elle.
Le couple français Laroche, rencontré dans la boutique de mèches de Mme N’Guessan, a acheté 4 paquets de mèches. Pour M. Laroche, c’est tout à fait normal qu’une femme dépense pour être belle. « C’est la même chose que celles qui font la chirurgie plastique », estime-t-il et ajoute qu’il faut plutôt y voir l’aspect artistique.
«Quand on est boubou, on est boubou»
Contrairement aux adeptes des mèches humaines, d’autres femmes ne veulent pas en entendre parler. « Je ne le ferai jamais même si j’ai de l’argent. Parce que je ne connais pas leur provenance, je préfère les mèches synthétiques. On raconte que ce sont des cheveux des indiennes et brésiliennes mortes », s’est indignée Ana Kodjo, qui précise : « ce sont des gens qui ont péché et qui enlèvent leurs cheveux pour les offrir à leurs déesses en signe de pénitence. Quiconque porte ces cheveux-là, attire des vibrations négatives», affirme-t-elle.
L’argument de Yasmine Boni est plutôt religieux. Elle soutient que dans le Coran, il est interdit de porter des mèches. Mais avec le temps et la modernisation, de plus en plus de filles musulmanes portent les mèches synthétiques. « Comment expliquer que maintenant qu’au lieu de porter des cheveux en caoutchouc, on veut porter ceux de l’homme même ? De son prochain ? », s’ interroge-t-elle, intriguée.
Outre les raisons religieuses avancées pour ne pas porter les cheveux d’humains, d’aucuns estiment que cela est réservé aux filles d’une certaine classe sociale. « Ce sont des femmes ou filles qui travaillent, qui ont des maris ou des conjoints aisés. Il y a même des hommes qui viennent en acheter pour leurs femmes», indique la vendeuse de mèches humaines.
« Quoi? 300000 Fcfa pour coiffer sa femme? Il faut être fou pour faire ça ! », s’indigne Christophe Coulibaly. Ce dernier fait savoir que lorsque sa femme veut se coiffer, il contribue avec 15000 Fcfa mais au delà de cette somme « je suis désolé», dit-il fermement.
Bernard Yao est du même avis « dans un contexte de vie cher, il faut penser plutôt à investir pour l’avenir au lieu de se saigner pour être belle. Quand on est boubou, on est boubou. (Ndlr : quand on est vilain on est vilain). Ce ne sont pas les cheveux de quelqu’un d’autre qui changeront quelque chose», lâche-t-il.
Colombe Fofana, quant à elle, préfère faire don de cette somme pour la scolarité d’un enfant, les soins d’un malade et avoir des « doua » (bénédictions) que de s’attirer des problèmes.
Selon un pasteur qui a voulu garder l’anonymat, les mèches brésiliennes et indiennes sont démoniaques. « C’est la porte ouverte aux démons. Celles qui les portent insultent leur Créateur car c’est comme si le travail qu’il a fait sur elles, est incomplet. C’est aussi attirer sa colère et attirer les démons à qui les femmes brésiliennes et indiennes offrent leurs cheveux», soutient l’homme de Dieu.
Au bout du compte, chacun fait de son mieux pour se sentir bien dans sa peau. Aussi bien celles qui coupent leurs cheveux pour les vendre ou les offrir que celles qui les portent.
J.bBENJAMINE KABORÉ STAGIAIRE
Voir aussi
- Clôture du FEMUA 15: A'Salfo et ses équipes visitent le poste de péage de Tiébissou
- Culture : des artistes ivoiriens renforcent leur capacité
- FEMUA 15: La ministre Françoise Remarck se réjouit de la qualité du travail accompli par A'Salfo
- Cinéma : projection à Abidjan en avant-première de la comédie romantique '' Marabout Chéri ''
- Côte d’Ivoire : démarrage officiel des inscriptions au concours de la Fonction publique le 24 avril prochain (Ministre)