Abou et moi avons été élevés par notre grand-père paternel. Il nous a tout appris. Papa nous a expliqué qu’après son mariage, le vieux n’a pas voulu qu’il déménage. Il disait que la maison était assez grande pour accueillir plusieurs générations. Pépé aimait être entouré, avoir tous ses enfants et petits-enfants autour de lui. C’était un homme politique très connu et apprécié du grand public. J’étais fière d’être son petit-fils. Papa était son seul fils. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne s’entendaient pas vraiment.
A la mort du grand-père, nous avons été très malheureux, Abou et moi. Pépé représentait pour nous, le père et le grand-père. Et même la mère aussi. Parce que papa ne s’entendait avec aucune femme. Il avait tout le temps une nouvelle compagne et pépé n’appréciait pas cela. Il faut reconnaître que papa était vraiment dépensier. Il n’arrivait pas à se prendre en charge. Il vivait dans l’ombre de son père. Je n’arrêtais pas de lui dire de vivre sa propre vie, de s’assumer et d’entreprendre. Je crois que c’est parce qu’il manquait d’initiative que son père n’a pas tenu compte de lui dans son testament.
A la mort de pépé, Abou avait 23 ans et moi 20 ans. Pépé nous avaient légué la quasi-totalité de ses biens. Il n’avait rien laissé à papa comme pour le punir de son irresponsabilité. Cependant, je me suis dit que ce qui nous revenait était aussi à papa. Je ne trouvais donc pas d’inconvénient à partager avec lui le loyer des villas que pépé m’avait léguées. Mais Abou, lui, refusait de l’aider. Il l’ignorait malgré mes conseils.
Dans le fond, il lui ressemblait beaucoup. C’était un bon vivant comme lui. Et il préférait s’occuper des femmes plutôt que d’aider son père qui, entretemps, s’est découvert un diabète. Les rapports entre ces deux-là me rappelaient ceux de papa et grand-père. Ils se disputaient tout le temps. Abou n’arrêtait pas de traiter papa d’irresponsable. Et chaque fois qu’Abou lui parlait ainsi ; je m’en plaignais. Car tout compte fait, c’était notre père. Et nous lui devions du respect.
Plus tard, j’ai été très surpris d’apprendre qu’Abou avait vendu l’une de ses villas pour une somme dérisoire. Quatre ans après la mort de pépé, papa nous a réunis Abou et moi. Il a souhaité que nous lui donnions une des villas. Personnellement, je n’y ai pas trouvé d’inconvenients. Le grand-père nous avait légué 5 villas. Nous en avions deux chacun et pour la cinquième, nous partagions le loyer. Je me disais que celle-là pouvait lui revenir.
Mais c’était sans compter avec Abou qui a refusé catégoriquement. Il a ajouté : « Je respecte le vœu de pépé. S’il avait souhaité que papa bénéficie de ses biens, il les lui aurait légués. Me concernant, je ne peux rien lui donner. Comment il explique le fait qu’à son âge, il n’ait jamais travaillé. Il a toujours vécu au crochet de son père. En tout cas, je n’ai rien à lui donner. Je ne lui dois rien. C’est mon grand- père qui a toujours tout fait pour moi. ».
Les propos d’Abou m’ont offusqué. Il s’agissait tout de même de notre père. Et il était malade. Papa a fini par dire : « malheureusement Abou va perdre tout ce qui lui a été légué et il finira malheureux. » J’ai considéré ses propos comme ceux d’un homme désespéré. Tous les mois, je remettais ma part du loyer à papa. En plus de cela, je payais une nounou pour veiller sur lui. Parce qu’il n’était plus le même. La maladie l’avait beaucoup affaibli. Il avait beaucoup de regrets, mais c’était trop tard.
A la mort de papa, j’ai organisé ses obsèques tout seul. Abou ne s’est pas impliqué de quelque manière que ce soit. Pourtant, il a partagé avec moi tous les dons des autorités. Aujourd’hui, je suis bien placé pour faire le bilan de chacun. Papa n’était pas un saint, mais avant sa mort il a tiré une leçon de ses erreurs. Trois années après, je me retrouve avec un grand frère complètement ruiné. Il a, comme l’avait prédit notre père, vendu tous ses biens. Il est sous mon couvert. J’ai fini par comprendre que qui qu’on soit, il est bon d’avoir la bénédiction de ses parents.
Source : Go Magazine
Les coups de la vie
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