De retour de l’Arabie Saoudite où elles ont été désillusionnées, des jeunes filles ivoiriennes se sont confiées à la Fédération des Ong de développement de Côte d’Ivoire (Fedoci) que préside Satigui Koné. Cette structure a pris sur elle de lutter contre les abus faits aux jeunes filles à la recherche d’un mieux-être.
De l’eldorado au cauchemar. Tel est le rêve brisé de bon nombre d’Ivoiriennes qui ont cru trouver leur salut, en se rendant dans les pays du Moyen- Orient. Mais que de misère, de maltraitance et d’abus de tous genres !
«Je suis de retour en Côte d’Ivoire depuis plus d’un an. Mais, j’attends toujours le salaire qu’on m’avait promis il y a trois ans», confie une jeune fille, l’air médusé, au président de la Fédération des ONG de développement de Côte d’Ivoire (Fedoci). «Ils viennent dans les familles et rencontrent une sœur ou une tante. Ils leur promettent qu’au bout de 24 mois de service en Arabie Saoudite, vous aurez un salaire de 2,4 millions à 3 millions de F Cfa. Ils s’engagent à prendre en charge le billet d’avion aller-retour, de veiller sur vous en termes de santé, de sécurité et cela jusqu’à votre retour au pays. Mais, dès que vous montez dans l’avion, vous n’entendez plus parler d’eux», explique K. Tenin.
Ceux que la jeune fille, la trentaine, refuse de nommer sont des intermédiaires et des passeurs. Une autre victime, que nous nommons Ami, a les larmes aux yeux. «Pouvez-vous témoigner à la télévision ? Oui, si nous sommes invitées à une émission, il n’y a pas de problème », se rassure-t-elle.
Puis de s’ouvrir : « Je suis revenue avec beaucoup de blessures. J’ai vécu en véritable esclave deux ans durant». L’émotion de l’instant fut si forte qu’elle fond en sanglots avant de rester silencieuse. «Je n’avais pas un patron, mais un véritable maître, propriétaire d’esclave ! C’était dur et humiliant ! C’est tout», confie- t-elle.
«Une d’entre nous dont les parents sont à Daloa est décédée dans des conditions troubles! Dans l’appartement en face de celle de mon patron, à Médine, une Ivoirienne du nom de A... m’a confié qu’elle était en grossesse. Un matin, je l’ai vue en pleurs. Elle était brutalement entrainée vers la voiture par son employeur pour être conduite à l’aéroport. C’est la règle. De nombreuses filles reviennent avec des grossesses. La honte les oblige à rester cachées des mois, voire des années», poursuit-elle.
LES MESURES PRISES PAR LES AUTORITÉS IVOIRIENNES
De toutes les mesures prises par les autorités ivoiriennes, les candidats au voyage pour les travaux de ménage en Arabie Saoudite disent ne pas en savoir grand ‘chose. Conséquence : tous les jours, les passeurs font sortir des filles ivoiriennes par d’autres capitales africaines en direction du Moyen Orient.
«Je ne peux pas vous donner un chiffre exact mais, on nous disait que nous étions autour de 3.000 jeunes Ivoiriennes dans des familles en Arabie Saoudite. Dès que vous arrivez, vous pouvez rester un à deux jours à attendre l’employeur. Ils vous retirent tous vos documents administratifs et vous restez à sa merci jusqu’au jour où il vous expulse. Généralement, le billet d’avion retour sur Abidjan est la seule dépense qu’il fait. Moi, on m’a ramenée à Abidjan et j’attends depuis plus d’un an», commente K. Tenin.
En octobre et novembre 2014, un comité technique a travaillé avec la ministre de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant. Des représentants des ministères du Transport, de la Communication, de l’Intérieur, de la Justice, de l’Emploi, du Plan, l’ambassade des Usa, l’Onu- Femme, le Conseil supérieur des imams, la Conférence épiscopale, la Commission nationale des droits de l’Homme et l’Organisation de la migration internationale ont pris part à ces rencontres.
Tous ont reconnu l’existence d’un réseau de trafic transfrontalier de jeunes filles. De 2009 à 2014, un document a révélé que des centaines de jeunes filles, dont l’âge varie entre 14 et 23 ans, ont embarqué à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny de Port-Bouët en direction du Moyen Orient, notamment l’Arabie Saoudite. Le représentant de la société civile ivoirienne dans ce pays explique que la situation des ivoiriennes est un souci pour toute la communauté ivoirienne résident dans le Royaume.
«Je crois que des anciens étudiants qui sont rentrés au pays ont une responsabilité dans ce phénomène. Ils savent bien que nos sœurs vivent un véritable esclavage dès leur arrivée ici. Toutes nos interlocutrices nous citent des personnes comme étant les intermédiaires et les passeurs».
Pour rayer ce phénomène, la Fédération des Ong de développement de Côte d’Ivoire préconise la sensibilisation des jeunes sur les dangers qu’elles encourent en empruntant ces voies suicidaires.
HK avec Fedoci
Le Sursaut
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