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20 Mai

Une chanteuse ougandaise en justice pour un clip jugé pornographique

Les fesses musclées et savonneuses de la chanteuse Jemimah Kansiime, au coeur d'un de ses clips, ont fait le bonheur de ses fans, mais pas celui des conservateurs ougandais qui l'accusent de pornographie.

L'artiste de 21 ans dont le nom de scène est "Panadol wa Basajja" - littéralement "médicament pour les hommes" - a déjà passé cinq semaines en prison fin 2014 après la sortie d'un clip suggestif où elle apparaît en string et savonne lascivement ses fesses et son généreux décolleté. Désormais, elle encourt jusqu'à 10 ans de prison pour violation de la loi anti-pornographique si elle est jugée coupable lors du premier procès appliquant ce texte, promulgué en février 2014.

Selon l'ONG Human Rights Watch, la loi définit si largement la pornographie qu'elle aurait poussé des hommes à agresser publiquement des femmes légèrement vêtues. Ses détracteurs pointent le développement d'un mouvement antilibéral en Ouganda, qui a notamment inspiré une loi très répressive contre l'homosexualité, promulguée elle aussi en février 2014.

Nourri par la religion, le conservatisme gagne en effet du terrain. Dans le pays, les prêcheurs évangéliques venus des États-Unis reçoivent souvent un accueil plus exalté que les pop stars comme Kansiime. "J'avais conscience que certaines parties de la société étaient conservatrices", admet la jeune chanteuse, tout en lissant les extensions aux couleurs de l'arc-en-ciel qui recouvrent toujours l'un de ses yeux. Mais "je voulais juste voir si le public apprécierait que je m'habille avec une robe courte", dit-elle. L'une des choses essentielles qu'elle a retenues de ses idoles américaines Rihanna et Nicki Minaj, c'est que le sexe fait vendre. Pour illustrer son titre "Nkulinze" ("Je t'attends"), la chanteuse a ainsi réalisé une vidéo controversée évoquant les "fantasmes intimes d'une jeune amoureuse", vue plus de 140 000 fois sur YouTube.

 

Mini-robe léopard

Kansiime dit à l'AFP n'avoir jamais imaginé que se trémousser en sous-vêtements pourrait violer la loi. Elle a néanmoins été arrêtée en novembre avec son manager, Didi Muchwa Mugishar. Ce dernier a plaidé coupable et a été condamné à une amende de 200 000 shillings ougandais (75 dollars, 60 euros), mais Kansiime, elle, n'a pas plaidé coupable et est restée cinq semaines détenue, avant de pouvoir payer sa caution.

"Lorsque j'ai tourné cette vidéo, je n'ai jamais eu l'intention de la destiner à des enfants, je l'ai faite pour des adultes. Je n'ai pas vendu ou distribué la chanson", dit Kansiime dans sa mini-robe léopard à bretelles qui révèle un soutien-gorge pigeonnant. "Mes droits ont été bafoués, ma liberté d'expression a été bafouée", s'indigne-t-elle dans sa simple case en tôle à Kampala, la capitale ougandaise. 

Son avocat Isaac Semakadde voit dans ce dossier un test pour le droit des artistes ougandais à "s'exprimer". "Il doit y avoir une place pour le divertissement érotique dans une société ouverte et libre", estime-t-il, considérant qu'une distinction claire doit être faite avec les crimes comme la pornographie enfantine. "Bannir toutes les formes de pornographie, toutes les formes de nudité, est quelque chose de scandaleux", estime l'avocat.

Kansiime a été interpellée après que le ministre des Moeurs, Simon Lokodo, a été choqué par sa vidéo. Le ministre s'est récemment vanté d'être "sur le terrain" avec son équipe d'espions pour surveiller de près de tels chanteurs. Les vidéos de Panadol sont "très obscènes et vulgaires", a-t-il déploré, promettant de nouvelles arrestations. Les interprètes comme Rihanna sont "le genre de personnes que je condamne", a encore dit l'ancien prêtre. "C'est une danseuse très provocante... Il n'y a rien de bon là-dedans", selon lui.

 

Cour constitutionnelle

Dans son combat contre la pornographie, Simon Lokodo a notamment décrit une émission télévisée populaire comme de la prostitution. La presse locale a aussi rapporté qu'il avait épinglé la plus jeune députée ougandaise alors qu'elle entrait au Parlement vêtue d'une jupe courte. "La décadence d'une société ne débute ni ne cesse avec la prostitution", rétorque Me Semakadde, qui appelle le ministre à se préoccuper de questions plus urgentes comme la "corruption".

Kansiime doit comparaître d'ici la fin du mois. Mais son avocat compte demander un report jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle tranche une requête déposée contre la loi anti-pornographie par des militants qui l'estiment "excessive et vague". Amnesty International a de son côté appelé au retrait de cette loi, un souhait partagé par l'avocat Semakadde.

Le prochain titre de Kansiime s'inspire de son combat et parle de chômage. La chanteuse insiste sur le fait qu'elle filmera "ce qu'elle veut", mais reconnaît qu'elle pourrait avoir à adopter une attitude plus conservatrice si elle veut vivre de sa musique. "Je dois faire quelque chose que les gens apprécient", admet-elle, car "je n'ai pas profité de cette vidéo".

Source : AFP

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