Vu la situation actuelle du pays et avec la piraterie qui fait rage, les “gombos” se font rares. C'est ainsi qu'à la faveur de mon nouvel album qui vient de sortir, mon manager m'annonce que je suis invité à jouer dans un mariage à Koumassi. C'est une bonne nouvelle étant donné qu'il y a longtemps que j'attends cette occasion. Nous sommes déjà sur les lieux avant même l'arrivée des mariés et des invités. On nous installe dans une salle climatisée. Les organisateurs nous servent à boire et à manger. En tout cas, nous sommes dans les conditions dignes de notre statut.

Les heures qui suivent, le cortège nuptial arrive sur les lieux. Les cris de joie et de félicitations fusent de partout. Les mariés
font d'abord un tour d'honneur avant de s'installer. L'alcool et la bouffe meublent les tables, à la grande joie des invités. Les premiers artistes au nombre desquels des chanteurs traditionnels et tradimodernes, passent à tour de rôle. Les applaudissements se font entendre. Quelques temps après, on m'annonce. Micro en main, je chante a cappella. Le public est enthousiaste. Et dès que je fais mon apparition, c'est l'émeute. Les gens accourent vers moi pour me toucher et m'embrasser.

Tout d'un coup, la mariée quitte précipitamment son siège et me retrouve sur la scène. Elle s'éclate et danse comme si elle se déchargeait d'un fardeau. Elle court ensuite embrasser son époux qui vient de lui faire le plus gros cadeau de sa vie, car en réalité, elle aime ma musique à la folie. Elle s'assoit et fond en larmes lorsque j'entonne le morceau phare de mon nouvel album. Je continue de chanter en me dirigeant vers leur table. J'y parviens, mais au moment de les quitter, mon costume “balaie” le verre de bissap posé sur leur table et se renverse sur elle. Imaginez qu'à ce genre de cérémonie, la mariée est vêtue d’une robe blanche.

La dame change subitement de mine. Je sens qu'elle n'est plus contente. Toutes les chansons de louange et d'adorations que je chante semblent ne plus la toucher. Les gens ne s'intéressent plus à moi. Tous les yeux sont rivés vers elle. Quand, je finis, je leur lance un sourire narquois avant de foncer dans ma loge. Dehors, on entend des propos du genre : "Celui-là, qui l'a invité ici-même ?. Certains sont plus durs : “Il chante quoi même et puis c'est lui qui vient verser bissap sur notre belle-fille” ? Entre nous, ça-là on n'a pas besoin de me dire de quitter les lieux. Mon manager m'a exfiltré par l'autre sortie de la maison. Je profite de cette occasion pour réitérer mes excuses au couple.

Par : Aboké Guyzo

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