Les videurs lillois, encore choqués quelques jours après les coups de feu sur une discothèque qui ont fait deux morts et six blessés, témoignent de leur inquiétude face à la violence grandissante dans le monde de la nuit et tentent de s'organiser pour éviter de nouveaux drames.
Les videurs lillois, encore choqués quelques jours après les coups de feu sur une discothèque qui ont fait deux morts et six blessés, témoignent de leur inquiétude face à la violence grandissante dans le monde de la nuit et tentent de s'organiser pour éviter de nouveaux drames.
"Ce qui est arrivé dimanche aurait pu arriver à n'importe lequel d'entre nous. La violence est de plus en plus présente dans le monde de la nuit. Ca ne peut plus durer !" s'exclame Ibnou Sow, videur dans plusieurs établissements de la métropole lilloise.
"Les agressions, c'est tous les jours ou presque. On se fait insulter, traiter de noms d'oiseaux, on nous crache dessus, on nous balance des bouteilles. Nous, on essaie juste de faire notre métier, ça ne mérite pas de se faire caillasser ou tirer comme des lapins", s'insurge Mouba, l'un de ses collègues.
Ils incriminent alcool et drogue dans cette montée de la violence. "Les jeunes enchaînent les cocktails, ils consomment des drogues, de la cocaïne, ils ne se contrôlent plus. Et nous, on se retrouve en première ligne !", explique Azzedine, videur depuis 18 ans.
"Les gens ne supportent plus qu'on leur dise non. Avant on pouvait discuter, maintenant ça vire tout de suite à la violence. On est devenus des cibles", ajoute Mouba.
Ces professionnels témoignent de leur sentiment d'insécurité grandissant. "Tout le monde pense que parce qu'on est costaud, on va gérer sans problème, mais ça peut vite dégénérer", expliquent ces solides gaillards mesurant souvent plus de 1,90m et pesant plus de 100 kilos.
"On se retrouve seuls face à des personnes violentes, souvent bourrées, parfois armées. Et la loi nous empêche de riposter quand on est attaqués. On assure la protection des autres, mais nous, qui nous protège ?", s'interroge Ibnou Sow. "S'il y a une bagarre et que des coups sont échangés, c'est direct convocation par la police. On n'a rien pour se défendre, on n'a pas le droit. Je ne parle pas d'une arme, mais avoir au moins une bombe lacrymo pour neutraliser le mec, ce serait la moindre des choses", ajoute Azzedine.
"On essaie de dialoguer, de raisonner les gens. Mais qu'est-ce que vous voulez faire face à un mec qui se ramène avec un couteau ou une arme de guerre?", se demande-t-il. Au delà de la violence, ce videur expérimenté témoigne de la dégradation de ses conditions de travail. "Ce qui compte maintenant, c'est le business. Les patrons rognent sur tout, et la sécurité, c'est plus leur problème".
Les videurs travaillent souvent par équipe de deux ou trois. "Mais trois mecs pour gérer des flux de plusieurs milliers de personnes, c'est rien du tout", estime Azzedine.
Employés soit directement par les patrons de discothèque, soit par des sociétés de sécurité, la plupart des videurs sont payés au Smic. "On demande aux mecs d'aller risquer leur vie pour 9,22 euros de l'heure, vous trouvez ça normal?", poursuit-il.
Et à côté de ça, souligne Mouba, "il n'y a aucune reconnaissance de notre métier. Les patrons nous laissent nous débrouiller, les clients se défoulent sur nous, et la police ne nous prend pas au sérieux quand on est agressés".
Face à cette situation, les videurs ne veulent plus subir et cherchent à organiser "une concertation entre les différents acteurs du monde de la nuit, la police, la préfecture. Une sorte d'états généraux de la nuit", explique Ibnou.
"Cette fois, on va taper du poing sur la table. On est tous très choqués par ce qui s'est passé. Il ne faut pas que des drames comme ça se reproduisent".
© 2012 AFP