Le braqueur s’est évadé dimanche matin en hélicoptère de la prison de Réau, en Seine-et-Marne. Les forces de police sont mobilisées pour retrouver l’homme en cavale.
Ses envies d’évasion étaient connues des services spécialisés. Cela n’a pas empêché le braqueur multirécidiviste Redoine Faïd, 46 ans, de se faire la belle, dimanche 1er juillet, du centre pénitentiaire de Réau (Seine-et-Marne), lors d’une spectaculaire exfiltration à bord d’un hélicoptère. Rodé aux cavales, il purgeait une peine de vingt-cinq ans de prison pour un braquage qui avait mal tourné et entraîné la mort d’une jeune policière, Aurélie Fouquet, ainsi qu’une peine de dix ans de réclusion pour une précédente évasion.
Dimanche matin, trois hommes lourdement armés sont parvenus à voler un petit hélicoptère de type Alouette sur un aérodrome de Seine-et-Marne et à prendre en otage son pilote instructeur afin qu’il les dépose dans la cour d’honneur de la prison de Réau. Réservé aux visiteurs, cet endroit n’est jamais emprunté par les détenus, sauf lorsqu’ils quittent l’établissement. Il est le seul lieu de la prison à ne pas être équipé d’un filet antiaérien et à être invisible depuis les miradors.
Une fois l’engin introduit dans l’établissement, en vol stationnaire au-dessus du sol de la cour, le commando lance des gaz lacrymogènes, contraignant les surveillants, qui ne sont pas armés, à se réfugier dans l’enceinte du bâtiment. Deux hommes armés, « habillés de noir, portant des cagoules et des brassards de police au bras », sautent alors de l’hélicoptère et empruntent un chemin d’intervention réservé aux surveillants pour accéder aux parloirs, a expliqué à l’Agence France-Presse Martial Delabroye, secrétaire (Force ouvrière) du centre pénitentiaire de Réau.
Pas de blessé
Depuis novembre 2017, Redoine Faïd était à l’isolement à la prison de Réau mais il a, dimanche matin, une visite opportune d’un de ses frères. A la différence de son quartier de détention, les parloirs se trouvent près du quartier « maison centrale », moins sécurisé, et sont surtout accessibles depuis la cour d’honneur. Armé de fusils d’assaut et équipé de disqueuses, le commando parvient à en extraire Redoine Faïd pendant la visite de son frère, qui a été placé en garde à vue dimanche. Extrêmement bien préparée, l’opération aura duré moins de dix minutes, sans faire de blessé.
Le commando a ensuite abandonné l’hélicoptère, partiellement incendié, à Gonesse, dans le Val-d’Oise, à une soixantaine de kilomètres de la prison. Son pilote, retrouvé en état de choc, a été transporté à l’hôpital. Selon une source policière, Redoine Faïd a ensuite pris place à bord d’une Renault noire, qui a été découverte à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où il a embarqué à bord d’un deuxième véhicule avant de disparaître.
Un important dispositif policier a été mis en place pour le localiser en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France. Le parquet de Paris a ouvert une enquête en flagrance des chefs d’« évasion en bande organisée » et d’« association de malfaiteurs » confiée à la direction centrale de la police judiciaire. La police judiciaire de Versailles et l’office central de lutte contre la criminalité organisée ont été saisis. La sécurité publique, les compagnies de CRS et de gendarmerie, la police aux frontières et les aéroports sont également en alerte.
Lors d’un point presse à la prison de Réau, dimanche, en fin de journée, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, a expliqué que les services de l’établissement avaient aperçu « il y a quelques mois » des drones survolant la prison, ce qui aurait pu permettre de préparer cette opération. « C’était une évasion hors normes qui a nécessité un commando bien préparé, a-t-elle déclaré. C’est indiscutablement quelque chose d’extraordinaire. » La ministre a cependant annoncé qu’une mission d’inspection avait été diligentée sur d’éventuelles défaillances des procédures de sécurité.
Absence de filet antiaérien dans une cour La sécurisation de la cour d’honneur de la prison était-elle suffisante ? Le secrétaire FO de l’établissement affirme que son syndicat « avait déjà dénoncé le fait qu’il n’y ait pas de filet antiaérien à cet endroit-là », mais que la direction n’avait pas pris ces remarques « en considération ».
Ouverte en octobre 2011, la prison de Réau, qui compte plus de 600 détenus pour près de 250 surveillants, a déjà fait dans sa courte histoire l’objet d’une mission d’inspection. C’était en 2013, après une tentative d’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, l’artificier de la vague des attentats de 1995 à Paris. Avec un codétenu, il avait tenté de faire exploser une porte de la cour de sport de la prison, en vain. Piégés dans la cour, les deux hommes avaient dû se résoudre à attendre l’arrivée des forces d’intervention.
L’administration pénitentiaire avait aussitôt diligenté un rapport d’inspection qui avait décrit le laxisme qui régnait alors dans l’établissement. Il concluait notamment à « de nombreux manquements professionnels » et à une « mise en œuvre défaillante des règles élémentaires de sécurité ». Une série de recommandations avaient été faites, portant par exemple sur une réorganisation du fonctionnement du quartier dit « maison centrale », qui jouxte les parloirs. Celles-ci ont-elles été prises en compte ? Sollicitée par Le Monde, l’administration pénitentiaire n’était pas en mesure de répondre à cette question, dimanche soir.
Une précédente évasion en 2013
Si des failles de sécurité sont détectées à l’issue de ce nouveau rapport, la question se posera de savoir pourquoi Redoine Faïd était incarcéré dans cet établissement. Le braqueur n’en est en effet pas à sa première évasion. En avril 2013, il s’était enfui de la prison de Lille-Sequedin (Nord) en profitant, déjà, d’une visite au parloir d’un de ses frères. En arrivant à la salle de fouille, il avait sorti un pistolet et lancé aux gardiens : « Vous n’allez pas vous faire tuer pour 1 500 euros par mois ! » Avant de faire sauter plusieurs portes de l’établissement à l’explosif… Arrêté après un mois et demi de cavale, il a été condamné en mars 2017 pour cette évasion à dix ans de réclusion criminelle.
Plus récemment, un autre projet d’évasion de Redoine Faïd a été mis au jour dans le cadre d’une enquête sur la criminalité organisée corse. Comme l’avait révélé L’Obs, un homme qui gravitait dans l’entourage de Jacques Mariani, fils de l’un des membres fondateurs du gang de la Brise de mer, a précisé aux policiers les tractations autour d’un possible retour à la liberté du braqueur.
Cet homme qui, comme l’avait révélé Le Monde, dispose du statut de repenti, a expliqué que l’un des frères de Redoine Faïd serait entré en contact avec Jacques Mariani afin de mettre sur pied l’évasion. Alors incarcéré à Fresnes, Redoine Faïd avait émis le souhait de se procurer des armes et des explosifs. En échange, il aurait promis à Jacques Mariani de l’aider dans la lutte sanglante qui l’oppose à un autre clan corse. Ce projet, envisagé au printemps 2017, ne s’était toutefois pas concrétisé.
« L’écrivain »
Redoine Faïd est une figure très médiatique du banditisme. Fils d’un ouvrier d’origine algérienne, il a débuté sa carrière à l’adolescence dans la cité du Plateau de Creil, dans l’Oise, avant de se spécialiser dans les braquages de fourgons transporteurs de fonds. Influencé, de son propre aveu, par des films comme Heat, de Michael Mann, il a peu à peu gravi les échelons du grand banditisme pour finir par conter ses exploits dans un livre en 2010, Braqueur. Des cités au grand banditisme (éditions La Manufacture de livres).
Surnommé « l’écrivain » dans les rangs de la police, Redoine Faïd fait alors la tournée des plateaux de télévision en chemise blanche, assurant à son auditoire sous le charme avoir « tourné la page ». Il sera rapidement rattrapé par son premier métier. La justice le considère comme le « cerveau » du braquage avorté qui a entraîné la mort d’Aurélie Fouquet, une policière municipale de 26 ans, mitraillée à l’issue d’une course folle sur l’autoroute le 20 mai 2010 dans le Val-de-Marne. Il a été condamné en appel en avril à vingt-cinq ans de réclusion pour avoir organisé ce braquage meurtrier.
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