L'Institut Pasteur vient d'inaugurer Titan Krios, un microscope électronique cryogénique qui permet d'observer les échantillons au niveau atomique. Cet outil de pointe va permettre de faire progresser les connaissances sur la structure du vivant.
Pour y accéder, il faut entrer dans une véritable forteresse. Le nouveau microscope Titan Krios, inauguré le 12 juillet par l'Institut Pasteur dans le XVe arrondissement de Paris, est installé dans un bâtiment créé spécialement pour lui. Cette gigantesque armoire de quatre mètres de haut nécessite en effet de multiples précautions pour assurer son utilisation optimale : température, taux d'humidité, quantité de vibration et d'azote sont contrôlés minutieusement pour être gardés constants.
Le bâtiment possède son propre système d'aération pour garantir un environnement stable ; les murs intérieurs sont blindés pour échapper à tout champ magnétique provenant de l'extérieur (métro, téléphones portables, Wi-Fi).
Des objets grossis des millions de fois
Si un tel écrin a été conçu, c'est que le trésor est exceptionnel. Titan Krios est le microscope électronique le plus puissant du monde : il permet de grossir les objets des millions de fois, contre une centaine de fois pour un microscope classique. Cette échelle permet de distinguer des détails de l'ordre du dixième de nanomètre, soit la taille d'un atome.
« Les chercheurs acquièrent ainsi la capacité de caractériser la structure des protéines ou d'étudier leurs interactions dans leur environnement naturel pour découvrir de nouveaux processus cellulaires et moléculaires », s'enthousiasme Michael Nilges, responsable de l'unité de Bio-informatique structurale et directeur du département de Biologie structurale et chimie à l'Institut Pasteur. On pourra, par exemple, analyser une cellule cancéreuse ou un virus et découvrir potentiellement de nouveaux traitements.
La cryo-microscopie électronique pour observer les échantillons
Pour accomplir une telle prouesse, Titan Krios utilise la technique de la cryo-microscopie électronique en transmission (cryo-MET), mise au point au milieu des années 1980. Les échantillons sont congelés rapidement dans de l'azote liquide à -180 °C pour être piégés dans une mince couche de glace amorphe, ce qui leur assure une très grande stabilité. Auparavant, l'échantillon devait être déshydraté, coloré ou cristallisé, ce qui pouvait altérer la nature des protéines étudiées. Grâce à cette grande stabilité, le microscope permet l'acquisition automatique de milliers d'images à très haute vitesse, un peu comme un mode vidéo.
Titan Krios combine aussi la microscopie optique et la microscopie électronique « à la manière de Google Maps, explique Olivier Schwartz, directeur scientifique de l'Institut Pasteur. Nous pouvons avoir une vue d'ensemble — voir des cellules infectées et non infectées par exemple — puis nous rapprocher, avec des détails de plus en plus fins, jusqu'à voir des particules virales sur la membrane d'une cellule ».
Un équipement à 10 millions d'euros financé grâce au crowdfunding
Avec Titan Krios, l'Institut Pasteur devra faire face à un défi de taille : le stockage de toutes les données collectées. « Titan Krios, c'est un demi-téraoctet, voire un téraoctet d'informations acquises par jour, ce qui peut représenter environ 400 To par an, détaille Michael Nilges. Le défi est de pouvoir conserver toutes ces données afin que n'importe quel spécialiste en France puisse aller piocher dans cette formidable bibliothèque visuelle ». Du matériel informatique de pointe va donc être installé pour stocker et traiter cette montagne de données.
Cet équipement exceptionnel a coûté la bagatelle de 10 millions d'euros ; il a été financé en partie par une campagne de crowdfunding lancée en 2016. « Nos mécènes et grands donateurs ont été sollicités, mais un très grand nombre de particuliers ont également participé à cette levée de fonds », se félicite Jean-François Chambon, directeur de la communication et du mécénat. L'Institut Pasteur a également dû recruter des experts mondiaux en cryo-microscopie électronique. Le prix à payer pour rester aux avant-postes de l'innovation
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