Le médecin du CHU a ouvert la jambe droite d’Ali avant de se rendre compte de son erreur et de lui opérer le genou gauche. Une procédure est en cours.
« Je ne suis pas procédurier, mais j’ai le sentiment que l’hôpital n’a eu aucune considération pour moi, qu’il a cherché à fuir ses responsabilités. » Ali, 39 ans, ronge son frein. Depuis 18 mois, il est en conflit avec le centre hospitalier universitaire d’Amiens. Une procédure en contentieux est en cours, mais il risque de s’écouler de longs mois avant que toute la lumière soit faite sur cette affaire. L’histoire paraît pourtant très simple : un médecin s’est trompé de jambe lors d’une opération.
Ali est sportif. Il pratique notamment le judo. « Cela faisait longtemps que j’avais mal au genou gauche. Et la douleur devenait vraiment intense. Début 2017, j’ai décidé d’aller consulter à l’hôpital d’Amiens. » Après un scanner, on lui diagnostique un problème à la corne du ménisque. Une intervention chirurgicale est nécessaire. « Le médecin m’a expliqué qu’il s’agissait d’une intervention bénigne », explique cet habitant de Saveuse, près d’Amiens (Somme).
« Il me dit que tout s’est bien passé, juste un petit souci »
Le 6 avril au petit matin, Ali se présente à l’hôpital. Il doit en sortir en début d’après-midi. S’il est amené près du bloc opératoire très rapidement, il va patienter avant l’intervention. Elle a lieu sous anesthésie générale. Finalement, l’intervention va durer beaucoup plus longtemps que prévu. Il est 16 heures quand on le réveille. « Le chirurgien me dit que tout s’est bien passé, même s’il y a eu un petit souci avec les infirmières qu’il m’expliquera plus tard. À ce moment, j’étais encore dans les vapes », raconte le Samarien.
Sa compagne vient le rejoindre dans la chambre : « Elle me dit qu’elle croit qu’il y a eu un problème, que l’opération a duré très longtemps, que le personnel soignant faisait une drôle de mine quand elle se renseignait pour savoir pourquoi c’était si long. » Et puis elle remarque qu’Ali présente un pansement sur chaque jambe. « Le chirurgien est arrivé, il m’a dit qu’il y avait eu un petit souci, très léger, qu’il a juste ouvert la jambe droite. Il me fait le bulletin de sortie et il s’en va. Moi, j’étais encore sous le coup de l’anesthésie, j’avais le sentiment que tout cela était normal. »
Il n’y avait rien de normal : l’équipe médicale s’est trompée de genou. La jambe droite était rasée, pas la gauche, celle qui a finalement été opérée : « Le médecin a ouvert ma jambe droite, et c’est seulement quand il s’est rendu compte que mon ménisque était sain qu’il s’est rendu compte de l’erreur. »
Ali rentre chez lui, très handicapé avec ses deux jambes immobilisées : « Je l’ai très mal vécu. Je ne pouvais pas m’occuper des enfants, je ne pouvais rien faire, j’étais complètement dépendant. J’ai dû arrêter de travailler pendant trois mois. » Et le Samarien devait recevoir des soins d’une infirmière à domicile après cette opération. Or, le chirurgien ne lui a prescrit ces soins que… pour le genou gauche. C’est finalement un médecin généraliste qui a permis que le genou droit soit également soigné.
« Le médecin a tout fait pour cacher son erreur »
« Le médecin a tout fait pour cacher son erreur. Il ne voulait pas laisser de traces. Même sur le compte rendu opératoire, que je me suis procuré, il ne parle que de la jambe gauche, jamais de la droite. » Ali a eu rendez-vous deux mois plus tard avec le chirurgien : « Il a été très froid. Il m’a dit qu’il avait été convoqué par son chef de service, que j’aurais dû l’appeler directement. Il était très tendu. Il disait qu’il n’allait pas s’éterniser, qu’il y avait des assurances pour ça. Et il rejetait la faute sur les infirmières. Mais pour moi, un chirurgien, c’est un chef d’orchestre. C’est à lui de faire en sorte que tout se passe bien, qu’il n’y ait pas d’erreur. »
Ali est décidé à aller au bout de la procédure pour que la responsabilité du chirurgien et de l’hôpital soit retenue. D’autant que son genou gauche n’a pas été guéri : il va se faire opérer de nouveau, par un autre chirurgien bien sûr.
La direction de l’hôpital, expliquant qu’elle avait un devoir de secret médical, n’a pas souhaité s’exprimer sur cette affaire.
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