Les Violences basées sur le genre (VBG) prennent de l’ampleur durant les vacances scolaires, marquées en 2022, par un assaut des prédateurs sexuels sur la petite enfance et les mineurs. Cette situation désolante convoque les Organisations non gouvernementales (ONG), en synergie avec les acteurs impliqués dans la lutte et la prise en charge, à multiplier des actions en vue de vaincre ce fléau.
Le viol, une situation déplorable dans la cité
Toits-rouges, un quartier de la commune Yopougon, dans la banlieue Ouest d’Abidjan. Mercredi 13 juillet 2022. Une fillette de six ans est victime de viol perpétré par un individu d’une trentaine d’années, sous l’effet de stupéfiants. L’auteur du crime, pris en flagrant délit de viol, grâce aux pleurs de la victime, dont la bouche était obstruée par du gravier, a été rouée de coups par les riverains venus secourir l’enfant, avant d’être conduit à la gendarmerie du quartier, puis incarcéré.
Aux arrêts, l’homme affirme avoir été sous l’emprise de Viagra. Après un rendez-vous manqué avec sa partenaire, il a décidé de commettre ce forfait pour satisfaire sa libido. La survivante a été référée au centre de sauvetage pour enfants victimes de VBG, afin d’assurer sa prise en charge médicale, en particulier par l’administration d’ARV et de soins des blessures, en plus de la prise en charge psychologique, juridique et judiciaire après avoir informé ses parents.
Un certificat d’âge physiologique et d’autres les documents pouvant tracer la véracité des faits de viol ont été adressés au centre de santé AFOSUC des Toits-rouges qui a assuré les soins médicaux de l’enfant.
L’infraction sur mineure, dans des situations rendues aggravantes par la prise de stupéfiant, valent à l’auteur d’encourir une peine de prison à vie.
Ces cas de viol sont récurrents ces derniers temps, déplore la directrice de l’ONG Dignité et droits pour les enfants en Côte d’Ivoire (DDE-CI), Émilienne Coulibaly.
Des bébés de six mois, des enfants d’un an, de deux ans, en font les frais. Une fillette de dix ans, victime d’un viol en réunion, perpétré par des mineurs de 13 à 14 ans, dont la mère démunie et expulsée de son domicile a été accueillie et hébergée au centre de sauvetage de l’ONG et inscrite dans un établissement public afin de préserver son année scolaire. Elle vient d’être récupérée par la mère pour son retour au village.
Des enfants vivant avec un handicap intellectuel, des enfants autistes ou trisomiques sont également victimes de viol de la part de jeunes prédateurs sexuels, sous l’effet de substances chimiques, drogues, d’alcools frelatés.
La situation des VBG en Côte d’Ivoire
Outre les viols, l’on compte parmi les VBG, les agressions sexuelles, les agressions physiques, le mariage précoce des enfants – le mariage forcé, le déni de ressources, d’opportunité ou de service, la maltraitance psychologique, émotionnelle.
Véritable sujet tabou, mais réalité prégnante partout dans le monde, les VBG sont une violation grave des droits de la personne humaine, un crime et sont punis par la loi.
Tout acte de pénétration vaginale, anale ou buccale sans consentement (même superficielle), à l’aide du pénis ou d’une autre partie du corps, est un viol et s’applique également à l’insertion d’un objet dans le vagin ou l’anus.
La Stratégie nationale de lutte contre les VBG en Côte d’Ivoire, lancée en janvier 2014, désigne par ce terme, tout acte nuisible, préjudiciable, perpétré contre le gré d’une personne, basé sur des différences socialement prescrites entre hommes et femmes, filles et garçons.
Ces prédateurs sévissent aussi bien en situation de paix qu’en situation de guerre, durant le confinement dû à la COVID-19, dans la vie de tous les jours et leurs actes sont généralement le fruit d’abus de pouvoir, l’impunité, la prolifération des armes, le déplacement des populations, la pauvreté.
Le rapport statistique sur les VBG en 2020, le plus récent, révèle que 5405 cas ont été répertoriés et pris en charge en Côte d’Ivoire, dont 822 cas de viols. La majorité de ces viols sont perpétrés sur des enfants de moins de 18 ans.
Des ONG viennent en soutien à l’Etat dans la lutte contre les VBG
Outre les enfants victimes de VBG, l’ONG DDE-CI, une organisation nationale de protection de droits et de la promotion des droits des enfants, créée le 27 décembre 2021 à l’initiative du Bureau international catholique pour l’enfance (BICE), a à son actif, d’autres programmes, dont celui de « Enfants sans barreau », qui s’occupe des enfants confrontés au système judiciaire, en raison d’une infraction commise, et celui des enfants vivant avec une déficience intellectuelle, encadrés au complexe éducatif ERB ALOIS.
Le leitmotiv de son action, consiste à « Agir avec célérité et travailler dans une synergie d’actions » pour vaincre les VBG. Ainsi, du 1er janvier 2020 au 31 mai 2022, 110 survivantes des VBG, dans les communes de Port-Bouët, Koumassi, Yopougon et dans la ville de Bouaké, ont bénéficié d’assistance médicale, psychologique, juridico-judiciaire et d’appuis alimentaires.
Cette action s’inscrivait dans le cadre d’exécution du Projet de promotion de la Santé sexuelle reproductive et de lutte contre les viols, les violences sexuelles et psychologiques faites aux filles et aux femmes handicapées et non handicapées (SSR/VBG), avec l’appui financier d’ONU Femmes et de la Fondation Liliane.
Elle a été implémentée par DDE-CI en partenariat avec l’Organisation nationale des parents pour handicapés auditifs de Côte d’Ivoire (ONPHA-CI), l’Union nationale des femmes handicapées de Côte d’Ivoire (UNAFEHCI) et les Caritas locales de l’église catholique.
En plus des actions de sensibilisation menées dans les établissements scolaires qui ont abouti à l’installation de 15 comités scolaires de promotion de la Santé sexuelle reproductive (SSR) et de lutte contre les VBG, dans les zones d’exécution du projet, le renforcement de capacités en SSR/VBG de 275 Professionnels éducatifs, de 35 journalistes et 35 travailleurs sociaux, à l’actif de DDE-CI, ont été menés en vue d’encourager la dénonciation.
La cheffe du projet SSR/VBG, N’Dri Edoukou Julie, appelle les populations à être plus vigilantes et à dénoncer les prédateurs sexuels qui sont de plus en plus portés sur la petite enfance (zéro à cinq ans), en appelant discrètement aux numéros verts 1308 et 116.
Elle conseille, face à un cas de VBG, de se rendre immédiatement à l’hôpital, de saisir la police, la gendarmerie ou le procureur de la République pour une plainte ou une dénonciation, ou alors dans un centre social pour une prise en charge psychosociale.
La dénonciation a permis à la plateforme de lutte contre les VBG à Koumassi, d’empêcher deux cas de mariage forcé concernant des adolescentes de 12 ans et 15 ans, en juillet 2022, a notifié l’assistante sociale Bindié Amani Elyse. Elle s’est réjouie des actions en matière de sensibilisation, de plaidoyer et la prise en charge psychosociale des victimes.
La politique nationale de lutte contre les VBG
En Côte d’Ivoire, l’adoption et la mise en œuvre, depuis 2014, de la Politique nationale de protection de l’enfant (PNPE) et la Stratégie nationale de lutte contre les VBG (SNLVBG) ont permis, entre autres, la production de statistiques relatives aux indicateurs de violences sur les enfants et les VBG, consignées dans un annuaire (édité pour la première fois en 2019). Ce document témoigne de l’engagement de l’Etat à construire un système national efficace de protection de la femme et de l’enfant, affirme la ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, Nassénéba Touré, en préface à l’édition 2020 de l’annuaire.
Intitulé « Annuaire statistique du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant », ce document vise à servir de référence statistique à analyse, initiative et action pour la protection de ces personnes vulnérables. Il présente les données sur les violences et les négligences subies par les enfants et les VBG, issues respectivement du Système d’information sur la protection de l’enfant (SIPE) et du Système d’information sur les VBG (GBVIMS – Gender based violence information management system), renseigné par plus d’une cinquantaine de plateformes de lutte contre les VBG, dont 14 à Abidjan en 2020.
Ces plateformes sont constituées d’ONG, assistants sociaux, médecins, officiers de police judiciaire (OPJ), de la justice, chefs religieux, de quartiers et de communautés, en somme tous les acteurs intervenant dans la lutte et la prise en charge des VBG.
En 2020, 5405 cas de VBG avaient été pris en charge, dont 822 viols, 152 agressions sexuelles hors MGF, 13 mutilations génitales féminines (MGF), 1286 agressions physiques, 96 mariages forcés, 2119 dénis de ressources, d’opportunités ou de services et 917 violences psychologiques ou émotionnelles. Sur ces cas déclarés, 81,98% des victimes sont des femmes et 46,79% des enfants, relève la dernière édition de l’annuaire.
eaa/cmas
Source: AIP
Voir aussi
- Gonzagueville : Son voleur lui impose un marathon d’environ 1 kilomètre à 3 h du matin
- Harcèlement sexuel : Une cliente et son marabout devant les tribunaux d’Abidjan
- Une vingtaine de victimes dans un accident de la circulation sur l'axe Koun-Fao-Agnibilékrou
- Toupah : Un camion de livraison de boisson se renverse, des villageois retrouvés ivres sur les lieux
- Libération des chambres universitaires : Des étudiants quittent les cités en pleurs