Poursuivi pour des prêches ‘’incitant à la haine, à la discrimination tribale, religieuse et scolaire’’, l’imam Aguib Touré, guide religieux de la mosquée Al Houda Wa salam à Abobo, écroué à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), le 9 juillet 2018, est en liberté provisoire, depuis le mardi 14 août 2018 nuit.
Quelles sont vos impressions après votre libération?
C’est une reconnaissance à Dieu. C’est une augmentation de la confiance en Dieu et une reconnaissance à la nation ivoirienne, à toute la jeunesse musulmane comme non musulmane, à tous nos parents et à tous nos aînés; nous remercions tout le monde.
Est-ce parce que des personnes sont intervenues pour que vous soyez libres que vous leur êtes reconnaissant?
Ce n’est pas dans ce sens. Je ne sais même pas qui est intervenu. Nous remercions Dieu seulement.
Avez-vous idée de ce qu’il vous a été reproché?
Tout le monde l’a vu sur les médias. Vous l’avez vu mieux que moi. J’étais dans la boîte (Ndlr, prison) (...) Comme la justice est en train de faire son travail, on va voir la suite des choses.
Qu’entendez-vous par la justice fait son travail? Avez-vous été jugé?
Actuellement, nous sommes en instruction (…). Quand on est en instruction, on ne peut pas trop parler. Ce qu’on peut dire à tout le monde, c’est d’être serein. Rien ne peut faire peur. C’est seulement ‘’Aliamdoulilah'’ qu’il y a.
N’est-ce pas qu’il vous est reproché d’avoir incité à la haine, à la discrimination tribale, religieuse et scolaire?
C’est ce que je cherche à voir maintenant. C’est facile , moi je peux vous dire que vous êtes ange mais il faut que je le prouve (…). C’est à la justice de voir clair dans la chose.
Dieu merci, ce n’est pas maintenant que nous faisons des prêches en Côte d’Ivoire. Ce dont nous jouissons actuellement, c’est notre liberté, et je pense que cela va continuer.
N’est-ce pas grave quand dans vos prêches vous défendez aux musulmans d’inscrire leurs enfants dans les écoles confessionnelles chrétiennes?
Dans ce que j’ai dit, officiellement, je pense qu’il n’y a rien de grave. Si c’était grave, je ne l’aurait pas dit en public (ndlr, un de ses conseillers lui demande de ne pas en dire davantage).
Referiez-vous la même chose si c’était à refaire?
Si la justice trouve que ce n’est pas grave, je vais refaire mais si elle trouve que c’est grave, je ne referez pas.
Il nous revient que vous avez été libéré nuitamment, mardi, est-ce vrai?
Je ne saurais répondre à cela mais Dieu merci, j’ai été libéré. Etant en prison, si quelqu’un veut me libérer à 1h ou 5h du matin, je dis Aliamdoulilah et puis, je vais chez moi à la maison.
Où étiez-vous quand vous avez eu l’information de ce que vous étiez libre?
Hier (ndlr, mardi), après mon entretien avec le juge, au palais de la justice, ma liberté a été prononcée.
C’était autour de quelle heure?
C’était entre 19h et 20h.
Quel est le message que vous avez à lancer à vos jeunes idoles?
Je demande aux jeunes d’être patients et d’écouter la justice (…). Avant tout, nous faisons confiance à la justice de notre pays. Que tous tous ceux qui sont animés par la colère, pardonnent. Nous demandons pardon à tous ceux qui sont fâchés pour avoir entendu ce qui a été dit. Nous demandons aussi pardon à ceux qui ne nous ont pas compris. La multitude des idées, la divergence des idées ne doit pas être un crime, à mon avis, ne doit pas être condamnable. Je ne pense pas que nous sommes poursuivi à cause de notre idée, mais peut-être à cause de la mauvaise compréhension de notre idée. Quand les gens comprendront notre idée, ils épouseront notre combat.
N’est-ce pas quand même grave de traiter les autres religions de démons?
Peux-tu me dire où tu as entendu démon dans mes prêches? En tant que journaliste, vous ne devez pas vous fier à ce que disent des gens.
En islam, il n’est pas souhaitable de traiter quelqu’un ainsi. C’est Dieu seul qui connaît le diable parmi nous. Nous n’avons dit nulle part que quelqu’un est démon.
Mais quand vous dites aux musulmans de ne pas fréquenter les écoles des confessions religieuses chrétiennes, n’est-ce pas la même chose?
Non, cela ne veut pas dire que quelqu’un est démon. ça n’a rien à y voir. Nous ne voulons pas rentrer dans le fond du sujet parce que l’affaire est en instruction.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, n’est-ce pas lorsque vous avez évoqué la question du coût du hadj, alors que ce n’était pas le cas sous les régimes précédents?
Je veux bien en parler mais comme nous sommes en instruction, je ne veux pas avancer des choses dans ton journal, sur lesquelles on va me poser des questions. Cela va faire beaucoup. Laissez-moi répondre aux questions qui sont là-bas d’abord.
Nous allons changer alors de sujet. Qu’avez-vous fait concrètement à la prison pendant que vous y étiez? Pensez-vous que le Seigneur a voulu que vous fassiez un tour là-bas pour vos prêches?
D’abord, nous sommes convaincu que tout ce que Dieu fait est bon. Quant à savoir pourquoi il nous a fait partir là-bas, nous vous le dirons lorsqu’il nous fera une révélation.
De quoi était fait votre quotidien?
C’était comme tout prisonnier. On a prié beaucoup.
Qu’est-ce que le séjour en prison a apporté comme changement en vous et aux prisonniers?
Je pense que j’ai eu des expériences. J’ai vu qu’il y a des personnes qui sont en prison, qui ont besoin de nos aides, non seulement spirituellement mais aussi je pense que les musulmans ne doivent pas s’asseoir. Nous devons, de temps en temps, aller rendre visite à nos parents en prison, et leur venir en aide. Dans la prison, j’ai vu des choses, j’ai appris des choses, et je pense que cela a été une expérience pour moi. Dans tous les cas, nous remercions Dieu et tous ceux qui ont pleuré sur la toile, tous ceux qui ont prié, tous ceux qui ont porté des chapeaux rouges, des bonnets, et nous demandons aux gens de surtout pardonner, comme je l’ai dit.
Si on ne se pardonne pas, si on ne s’écoute pas, si on n’échange pas, on va aller de pire en pire.
Si on écoute même le plus insignifiant parmi nous, le plus petit parmi nous, même celui qui n’est rien, je pense qu’on va apprendre de nouvelles choses parce qu’il vit des choses que nous ne vivons pas.
Je pense que l’expérience ne vient pas seulement de ceux qui ont beaucoup vécu mais chacun a une expérience à donner à l’autre (…). Si on écoute les autres, on pourra construire le pays.
Réalisée par Dominique FADEGNON
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