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03 Sep

Situation sécuritaire à l’ouest : Le drapeau guinéen flotte toujours sur le village ivoirien de Kpéaba

Le 22 décembre 2016, en guise de représailles punitives, parce que le drapeau guinéen qui flottait sur le village avait, 48 heures auparavant, été enlevé par des habitants exacerbés, des individus en treillis et armés avaient, aux environs de 2 h du matin, fait irruption à Kpéaba.

Une localité située à 20 km du chef-lieu de la préfecture de Sipilou, dans la région du Tonkpi. Descente punitive qui s’est soldée par la destruction de plusieurs habitations, de plusieurs greniers, par de nombreux blessés et un mort. Un homme fauché par une balle alors qu’il tentait de s'enfuir. La quasi-totalité des habitants avait fui Kpéaba pour trouver refuge à Koulalé, une localité proche de Sipilou. Aujourd’hui, plusieurs mois après cet événement tragique, le retour de la population à Kpéaba est effectif. La population continue de panser ses plaies. Progressivement, la vie a repris. Les villageois vaquent à leurs occupations champêtres.

La petite école du village a ouvert ses portes à la grande satisfaction des écoliers et des parents d’élèves dans cette localité enclavée. Mais, au sommet de la colline qui surplombe le village, le drapeau guinéen, réinstallé par des soldats, y flotte de nouveau, paresseusement au gré du vent. Parti, vendredi 24 août 2018, de Sipilou, chef-lieu du département, à 10h30, il est presque 13h, lorsque nous arrivons, littéralement éreinté, à Kpéaba. Naturellement, après avoir traversé Koulalé, plusieurs rizières et plantations de caféiers couverts de cerises à la couleur violacée, et surtout parcouru une vingtaine de kilomètres de piste tortueuse. À l’entrée de Kpéaba, sous un apatam, un vieil homme au torse nu, qui s’attelle à la confection d’une nouvelle natte traditionnelle, nous accueille. À côté de lui, deux jeunes chèvres, couchées à même le sol, sommeillent. Un peu loin, des gamins à demi vêtus, jouent dans la poussière sous un jeune manguier.

Très loin, des bruits de pilons qui atterrissent dans des mortiers, mêlés aux chants des tourterelles, nous parviennent. De cet apatam, ce qui d’emblée capte l’attention du visiteur curieux, c’est le fanion qui flotte sur la colline. Notre hôte nous indique que « c’est bel et bien le drapeau guinéen ». Nous décidons alors de découvrir ce fanion dans son entièreté. Fixé sur un mât, avec un pylône en fer, ce drapeau se trouve dans la cour, devant la résidence personnelle du chef du village de Kpéaba, feu Tonga Denis (décédé le 15 juillet 2017). Selon des témoignages, le chef du village avait la garde exclusive de ce drapeau. La présence de ce drapeau guinéen, au dire des populations rencontrées, perturbe leur quiétude et les incommode.

Pour Kouyaté Sékou, de nationalité ivoirienne, instituteur et directeur de l’Ecole primaire publique (Epp) de Kpéaba, établissement scolaire qui dépend de la circonscription de l’enseignement primaire de Biankouma, dans la Direction régionale de l’éducation nationale et de la formation professionnelle de Man (Drenetfp), la présence de ce drapeau guinéen déstabilise psychologiquement les écoliers. « En classe, pendant les séances des cours d’éducation civique, on enseigne aux élèves que l’Abidjanaise est l’hymne national de la Côte d’Ivoire. Le drapeau ivoirien est de couleur Orange, Blanc et Vert. Dans le village, c’est une autre réalité que les élèves découvrent. Un drapeau d’une couleur différente de celle de la Côte d’Ivoire flotte sur le toit du village. Cette situation déstabilise psychologiquement les élèves qui sont encore très fragiles », fait observer l’instituteur.

L’histoire de Kpéaba. Le fanion guinéen à Kpéaba a une histoire. La présence de ce drapeau sur le toit du village remonte à février 2012. Depuis, il y est de façon constante. Au commencement, le fanion guinéen était hissé sur un bambou de fortune. Jusqu’en juin 2018, ce drapeau est hissé sur un mât en fer planté dans du ciment. Les populations révèlent aussi que de façon régulière, des soldats guinéens en patrouille se rendent à Kpéaba. En vue de se rendre compte de la présence effective du fanion au lieu indiqué. La fréquence des patrouilles à Kpéaba (Sous -préfecture de Sipilou) est de deux visites par mois environ.

Kpéaba est une localité située sur le territoire du département de Sipilou, dans la région du Tonkpi. Elle est à huit (8) kilomètres après Koulalé et exactement à quatre (4) kilomètres de la rivière « Zia » qui se jette dans le fleuve Bafing, considéré comme la frontière naturelle entre la Guinée et la Côte d’Ivoire. Située dans la partie extrême ouest de Sipilou, Kpéaba est une bourgade peuplée de plus de 500 habitants. Tous des Ivoiriens, dont 95 % sont de l'ethnie Yacouba, originaires de Sipilou et 5 % de l'ethnie Mahou, peuple originaire de Touba, région de Bafing. Pas une seule case appartenant aux Guinéens n'existe dans le village.

L’habitat est constitué de cases rondes couvertes de chaume et de maisons de forme rectangulaire, couvertes de tôles ondulées par endroits. Le café est la principale culture pérenne pratiquée. L’arachide et le riz sont les cultures vivrières majeures. La forêt, encore véritablement dense, est la végétation. Le climat est du type montagneux. Le sol est très fertile. Le sous-sol de cette bande de terre regorgerait d’importantes réserves d’or et de gisements de nickel. Différents éléments naturels qui, entre autres, aiguisent l’appétit de part et d’autre. Selon les archives, les conflits à la frontière de Sipilou avec la République sœur de la Guinée ne datent pas d’aujourd’hui. Ils ont commencé à partir de 1966. Ce sont justement ces différentes frictions à la frontière qui ont favorisé l’érection de Sipilou en chef-lieu de Sous-préfecture par Félix Houphouët-Boigny, après la célébration de la fête tournante de l’indépendance, le 7 août 1969, à Man.

Rappelons également que, pour faire face aux différentes menaces, un camp militaire avait été installé à Koulalé, à l’intersection de Sipilou et de Kpéaba. Avec pour but essentiel de sécuriser la frontière ivoiro-guinéenne du côté de Sipilou et surtout de protéger les populations de Kpéaba, à travers l’organisation permanente de patrouilles d’envergure des soldats. C’est en septembre 2002, à la faveur de crise militaro-politique, que la Côte d’Ivoire a connue, que le camp militaire de Koulalé a disparu. C’est également en profitant de cette crise que depuis février 2012, le fanion guinéen est planté sur le toit de Kpéaba. Drapeau qui y est encore. « Kpéaba » est un mot d’origine Yacouba qui signifie « village situé à proximité de la rivière « Kpéa ».

Kpéaba, une localité quasi inaccessible

Kpéaba est une localité inaccessible durant toute l’année. Ni vélos, ni motos, ni véhicules ne peuvent se rendre à Kpéaba, faute de routes praticables. C’est à pied que les populations effectuent tous les déplacements. Les populations transportent à Koulalé (sous-préfecture de Sipilou) sur leurs têtes, les produits des champs, en vue de leur commercialisation. C’est en 1980 que l’unique piste qui relie Koulalé à Kpéaba, distante de 8 kilomètres, a connu les derniers travaux de reprofilage. Depuis, plus rien. Pour atteindre Kpéaba, l’on met aisément entre 2h à 2h 30. Car, il faut, pendant des heures, escalader et descendre les hautes chaînes de montagnes dans des conditions difficiles. Kpéaba, une région oubliée ? Pourtant, cette localité constitue l’un des principaux greniers agricoles de la région.

DREAUX Sigui Maurel (Correspondant régional)

Source: linfodrome

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