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22 Oct

Koweït : séquestrée et abusée sexuellement, comment une ivoirienne a pu s’enfuir

Elle était partie de Côte d’Ivoire pour le Koweït dans l’espoir de mieux gagner sa vie en tant que travailleuse domestique. À Koweït City, Désirée Kouassi, 25 ans, a été séquestrée et sujette à du chantage sexuel pendant plusieurs mois. Elle a documenté son calvaire et alerté les Observateurs de France 24, une démarche qui a permis de mettre fin à son enfer.

 

Le 1er octobre 2018, un ressortissant ivoirien alerte sur Whatsapp notre rédaction au sujet d’une agence koweïtienne de recrutement de travailleurs domestiques, dont les pratiques sont selon lui douteuses. Lui-même alerté par une victime, une amie d’enfance, il décrit un système où les travailleuses sont enfermées dans un appartement et doivent subir des attouchements sexuels pour obtenir de la nourriture.

 

Contactée par la rédaction des Observateurs, Désirée Kouassi a pu prendre quelques photos de ses conditions de vie dans l’appartement situé à Al Jahra, au Koweït. Le 2 octobre, elle raconte ce qu’elle vit :

 

Quand je suis arrivée au Koweït en janvier 2018, j’étais dans une bonne agence. J’ai travaillé plusieurs mois chez des clients mais je suis tombée malade à plusieurs reprises. L’agence et les clients ont fini par me rejeter à cause des frais médicaux et m’ont "donnée" à une autre agence.

 

Avec celle-ci, je vis un enfer. On enchaîne les périodes d’essai chez des clients sans être payées, et entre-temps on est enfermées à clef dans un appartement.

Le patron vient tous les matins vers 11 h et tous les soirs. Il réclame des faveurs sexuelles en échange de nourriture ou d’eau filtrée [l’eau du robinet n’est pas potable au Koweït, NDLR]. Quand on refuse qu’il nous touche, on est rejetées, mais quand on accepte, il nous donne ce dont on a besoin. Il a installé des barreaux aux fenêtres et demandé aux voisins de garder un œil sur nous.

Je n’ai pas accès à mes documents, qui sont gardés par mon sponsor [ancien employeur, NDLR] : passeport, visa, carte de séjour koweïtienne, etc.

 

Désirée Kouassi rapporte que le patron demandait essentiellement aux femmes de toucher leurs parties intimes (…)

 

Dans notre entretien du 2 octobre, Désirée Kouassi poursuit :

 

J’ai demandé au patron de rentrer en Côte d’Ivoire et il m’a dit que je devrais payer 950 dinars pour cela [environ 2 700 euros]. J’ai essayé de bluffer et de lui dire "ok, pas de problème", mais quand je lui ai demandé des contacts ou des informations supplémentaires, il n’avait rien et n’avait visiblement pas l’intention de me laisser partir.

 

En ce moment, nous sommes six femmes dans l’appartement, nous avons très peur d’appeler la police, je pense qu’ils sont tous complices et que ça pourrait nous causer plus de problèmes. Les clients qui nous prennent à l’essai ne pourraient pas non plus nous aider, ils nous traitent mal et n’aiment généralement pas les Noires, ils préfèrent les Blanches [une étude de l’OIT décrit que les familles koweïtiennes privilégient les aides ménagères philippines, réputées efficaces, NDLR].

 

Après avoir recueilli son témoignage, la rédaction des Observateurs de France 24 a fourni à Désirée Kouassi le numéro de téléphone de l’ONG de défense des droits des travailleurs étrangers Kuwait Human Rights Society, de l’ambassade de Côte d’Ivoire en Arabie saoudite chargée de ses ressortissants établis au Koweït et de la police koweïtienne. Désirée a rapporté à notre rédaction qu’aucune de ces institutions ne l’a prise au sérieux.

 

La rédaction des Observateurs a donc contacté la Kuwait Human Rights Society le 8 octobre. Celle-ci a alors rapidement réagi et mobilisé les autorités koweïtiennes pour la secourir. Atyab Alshatti, avocate et secrétaire générale adjointe de l’organisation de la Kuwait Human Rights Society, a assuré le suivi de l’opération et rapporté les événements en temps réel à la rédaction des Observateurs de France 24.(…) 

Désirée a été envoyée au "refuge", un centre d’accueil géré par le gouvernement où les travailleurs migrants peuvent venir quand ils sont victimes d’abus. Elle a ensuite pu rentrer en Côte d’Ivoire le 13 octobre 2018.

Entre temps, le département des travailleurs ménagers du ministère de l’Intérieur koweïtien a pris les choses en main et fait fermer l’agence : 25 travailleuses, dont les cinq "colocataires" de Désirée, ont été libérées de plusieurs appartements et accueillies au "refuge".

 

Source: observers.france24

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