La Côte d'Ivoire a vu naître bon nombre d'artistes et de créateurs de haut vol dont le talent naissant a été étouffé par une addiction aux drogues et autres stupéfiants aux conséquences néfastes sur les cellules nerveuses. Dans ce dossier exclusif, nous vous plongeons dans l'univers de ces artistes dont l'accoutumance aux stupéfiants a consumé leur prometteuse carrière.
La vie des artistes sous les tropiques n'est pas facile. Loin s'en faut ! Ce serait même un truisme de le dire. En Côte d'Ivoire, beaucoup d'entre eux broient du noir. C’est véritablement la croix et la bannière aux corollaires néfastes rythmés par des morts en cascade dans leur rang. Si des facteurs, tels la piraterie, l'absence d'une véritable industrie culturelle et autres contingences, sont connus comme antinomiques à l'émergence d'une société culturelle reluisante, la responsabilité de certains artistes n’est point à occulter dans l’échec de leur carrière. C'est le cas du talentueux artiste Issa Sanogo, révélé au grand public dans les années 80 avec l'émission ''Première chance'' de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (Rti), du célèbre animateur Roger Fulgence Kassy. Un espoir de la musique ivoirienne de cette époque dont la carrière a connu un début glorieux.
Malheureusement, cet artiste, promu à un bel avenir, va connaître la déchéance à la suite d’une descente aux enfers. Une vie d'indigent qui a énormément ému tous les mélomanes ivoiriens jusqu'au jour fatidique où le corps sans vie de celui que le ''Gnoantré'' national, Ernesto Djédjé, un des grands noms de la musique ivoirienne très tôt décédé, considérait comme son filleul, ne soit retrouvé sur un banc, dans une des rues malfamées du quartier France-Amérique, à Treichville. Ce que tout le monde redoutait, est finalement arrivé. Issa Sanogo, qui présentait des signes de schizophrénie, est décédé le dimanche 23 octobre 2013, en fin d'après-midi. Pourtant, des mécènes et autres producteurs ne tarissaient pas d'éloges à l'endroit du l’auteur du titre ''Gbangban'', malgré son état de délabrement et ses récurrents troubles de mémoire.
Bien avant, c'est une figure emblématique du hip hop africain, Didier Awadi, qui tombe sous le charme du talent d'Issa Sanogo, errant et mendiant dans les rues de Ouagadougou, la capitale du pays des hommes intègres. Des promoteurs l'y avaient emmené et abandonné après une série de spectacles. Le transfuge de la formation sénégalaise Positive Black Soul (PBS) n'avait même pas hésité à l'inviter sur son album ''Ma Révolution'' où Issa fit une lumineuse intervention sur le titre ''Têguêrê''. L’ex-binôme de Duggy Tee avait promis de le produire à son prochain séjour sur les bords de la lagune Ebrié. Malheureusement, le sort en a décidé autrement. Le poulain du producteur Firmin Nanga a tristement tiré sa révérence. Laissant une mère inconsolable qui ne s'est plus remise jusqu'à ce que la mort la rappelle elle-aussi dans un des bourgs de la commune de Koumassi.
Quid de Cisco, ex-compagnon de Kunta, avec qui il formait le duo Kunta et Cisco qui a marqué les mélomanes ivoiriens, de la sous-région et de la diaspora africaine en Europe ? Une chose est certaine, la mort de Kunta a été un véritable coup de Jarnac qui a tué l’aura de cette formation venue de Bouaké. A preuve, son binôme ne s'est aucunement remis de cette disparition. Pis, il a trouvé refuge dans la drogue. Depuis lors, il cherche à revenir au devant de la scène. Mais en vain. Autre cas plus pathétique, c’est celui de Marilyne, la fille de la célèbre chorégraphe, fondatrice de l’Ecole de danse et d’échanges culturels (Edec), Rose Marie Guiraud dont l'affection pour le chanvre indien et autres stupéfiants, a fini par la rendre folle. Pourtant, cette jeune fille qui jouissait d’une belle réputation de grande danseuse, doublée de chorégraphe avertie, avait dirigé la troupe «Guirivoire» pendant la longue absence de sa mère, partie aux Etats Unis. Mieux, elle s’était fort bien illustrée en remportant avec brio, en 2005, le concours Passionnariat. De lointains souvenirs d’autant plus qu’aujourd’hui, cette talentueuse jeune fille en proie à des troubles psychiques, erre dans les rues de la Riviera.
Petit Denis, un cas désespéré ! Lorsque le glas sonna sur Issa Sanogo, la famille des arts et de la culture a eu les yeux rivés sur Koulaté Koulaté Denis alias Petit Denis. Un autre artiste doué et pétri d'un talent unanimement reconnu par la famille du Zouglou. Qui, malheureusement, se débat avec ses démons intérieurs dont le plus teigneux a pour nom: la drogue. Tout le monde a pensé que cette mort devrait être un message interpellatif pour lui. L'alliance entre l'enfant de Gbattanikro et la drogue est si forte que même les prières et autres interventions dans des lieux de délivrance comme la ''Source'', à Treichville, n'arrivent pas à la briser. Pis, l'artiste maigrit et devient de plus en plus méconnaissable.
C'est même dans les dédales d'un fumoir, situé au quartier Belleville, précisément au célèbre marché portant le nom de ce bourg, sis à Treichville, à quelques encablures d'une célèbre radio commerciale, qu'il est retrouvé et sauvé in extremis d'une mort certaine, le 2 juin 2017, par Siro, binôme de Yodé, et l'ex-producteur et manager du groupe Magic System, Angelo Kabila. Un lieu infect connu pour avoir consumé des milliers de vies de jeunes ivoiriens dont une bonne frange d'artistes en herbe. Ce fumoir à ciel ouvert, situé sous un pont non loin du marché de Belleville, sur la principale voie menant à Marcory Résidentiel, est un véritable marché où se vendent à tout bout de champ chanvre indien, crack, cocaïne, héroïne, anabolisants, barbituriques et alcool frelaté en sachets. Une préalable immersion dans ce biotope nous a édifié, le 15 juillet 2017, sur ce lieu criminogène qui accueille aussi bien des artistes, des vendeurs de friperie et des adeptes de la débrouillardise, des prostituées, bandits de grands chemin ainsi que des ''microbes'' (enfants en conflit avec la loi). Bien avant, en 2007, celui que ses fans surnomment Denko ou El Capo a bénéficié des largesses de l'ex-secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), Blé Goudé Charles, alors mythique chef de la galaxie patriotique.
Mieux, cet amoureux du Zouglou n'a aucunement hésité à casser la tirelire pour emmener Petit Denis dans un centre de désintoxication, en Italie. Une cure qui avait donné à espérer en un redécollage de la carrière du Zouglouman. Que nenni! L'artiste a replongé, de plus bel. Une descente aux enfers dont la conséquence a été un échec lors d’un rendez-vous avec ses fans pour un concert au complexe sportif Jesse Jackson de Yopougon. Denko a brillé par son absence à ce spectacle au grand dam des promoteurs. En dépit de cela, l'artiste est constamment sollicité dans des maquis, bars, discothèques et autres points chauds de la capitale économique ivoirienne voire à l'intérieur du pays. En une seule nuit, au maquis Trois Paillotes, à Treichville, l'enfant de Gbattanikro s'était ''tapé'' près d'un million de Fcfa, une récompense en billets de banque consécutive aux ''atalakus'' (éloges) faits à la clientèle de cet établissement.
Une manne qui, malheureusement a atterri dans les mains de ''babatchê'' (mot malinké employé pour désigner le parrain d'un cartel:Ndlr) ou du ''bôrôtigui'' (terme malinké qui étymologiquement signifie ''détenteur du sac'') de fumoirs qui essaiment les communes de Marcory et de Treichville dont le plus célèbre est celui situé sous le pont, à quelques encablures du marché de Belleville. D'ailleurs, c'est de là qu'il sera récupéré puis évacué et interné au Centre Cordon-vert de Côte d’Ivoire (Cover-CI), où il en est ressorti. Ce après une cure de désintoxication administrée en vue d'une résilience vis-vis des stupéfiants, par Dr Djè Bi, spécialiste en addictologie, psychothérapeute, médecin holistique, thérapeute en charge du chanteur.
Les fans et autres inconditionnels de l’artiste déchanteront une fois encore. La raison, dès que Denko sort de ce centre, il renoue fortement avec la drogue et perd sa fière allure et devient une loque humaine. Une situation qui ruinera l’espoir de tous ceux qui avaient espéré une ‘’rédemption’’ du Zouglouman qui a pris l’engagement de confier sa vie à Allah puis, par la suite, au Christ.
Du succès...à la déchéance. L'histoire de la musique ivoirienne notamment du reggae nous instruit également sur le cas de Founy Faya, cet autre artiste reggae promis à un bel avenir. Surtout avec la sortie d'un premier album intitulé ''Kouman'', qui a achevé de convaincre les mélomanes, puristes et autres exégètes des arts et de la culture, sur le potentiel de ce jeune loup aux dents longues, sorti d'un des quartiers criminogènes d'Adjamé. Mais le succès lui monte à la tête. Les effluves de fumée du chanvre indien et autres substances enivrants également. Pis, on le retrouve des fois en haillons au black market d'Adjamé.
Un soir où il semble au bout du rouleau, Founy Faya fait une descente musclée dans la cour familiale à Attécoubé. A son passage, il rencontre sa fille âgée de 16 ans qu'il tue à coup de poignard. Arrêté, il purgera une peine d'une dizaine d'années à la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca). A sa sortie de prison, l'auteur du célèbre titre ''Coxer'' met une croix sur sa carrière musicale et entre définitivement au Burkina Faso. Une autre pépite de la musique ivoirienne notamment du Zouglou, des années 2000, qui n'aura pas eu non plus le temps de briller sur l'échiquier musical ivoirien. C'est bel et bien Bolou Zahi Patrick plus sous le pseudonyme Bagnon le Rossignol. Une appellation qu'il doit à son premier producteur le journaliste et animateur Mame Campbell.
Bagnon, cet artiste à la voix de velours, empreinte d'une certaine chaleur avec cette charge d'émotions et de mélancolie à l'aune des dépositaires du ''Tohorou''. « Un art de chant et de musique exécuté par les dépositaires de la tradition et de l'histoire du peuple bété. Mieux qu'un simple griot laudateur réduit à des propos flagorneurs, le Tohourou vêtu d'une jupe de raphia exalte les faits historiques, s'autorise -le cas échéant- des remises en question des acteurs politiques au sens de gestionnaires de la cité, qu'il est censé encenser », Cf : ‘’
La chanson populaire en Côte d'Ivoire’’, un ouvrage datant de 1986, rédigé sous la direction du distingué historien Pr Wondji Christophe et qui garde plus jamais son intérêt documentaire. Il ne pouvait en être autrement, d'autant plus que la mère de celui-ci est une des chansonnières très connues en pays Bété. Bref ! Bagnon connaît un franc succès avec son album ''Bawonon''. Une ode à la beauté féminine qui a bénéficié de la collaboration du virtuose arrangeur Marcelin Yacé. Un coup d'essai qui se transformera en coup de maître consacré par l'enregistrement d'un album éclectique aux saveurs d'Aloukou, un rythme traditionnel du terroir bété.
Le succès est au rendez-vous. Les sollicitations pour des concerts fusent de partout. La gloire se conjuguant généralement avec argent, sexe, alcool et drogue, Bagnon finit par franchir le Rubicon, en nouant une idylle avec la marijuana. Puis de flirter avec des dérivés de drogues dures. La chute ne s'est pas fait attendre. Sa dulcinée qui l'épaulait finit, elle-aussi, par claquer la porte. Ainsi commence la traversée du désert pour l'artiste. Qui pourtant faisait la fierté des jeunes du quartier ''Millionnaire'', à Yopougon où il arborait ses rutilantes voitures. Mieux, son home studio d'enregistrement était également une source de fierté. Mais tout cela n'est qu'un vieux souvenir. Un vieux souvenir qui certainement fait ressurgir des remords. Et Bagnon en a des tas. En effet, il n'a de cesse à se confondre en excuses en implorant son ex-compagne de revenir vivre avec lui. Entre- temps, il se contente de petits spectacles çà et là qui viennent à dose homéopathique, tout en se débattant pour pouvoir s'extraire des griffes de la drogue. Une pieuvre dont on s'en débarrasse difficilement, comme il a été donné de constater pour la plupart des artistes sous emprise d'une accoutumance à ces produits. A cette longue liste d’artistes dont la carrière a été plombée par la drogue, on pourrait ajouter le jeune reggaeman Don Mike dont le disque ''Yatchi'' a été un énorme succès en Côte d'Ivoire.
DIARRA Tiémoko
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