Une jeune mariée et trois membres de sa famille ont trouvé la mort en voulant faire un selfie sur un barrage en Inde. Le pays compte le plus grand nombre de selfies fatals dans le monde. Comment expliquer ce phénomène ? Éléments de réponse avec Pauline Escandier-Gauquier, sémiologue et autrice de Tous selfie ! Pourquoi tous accro ?
Un selfie, quatre morts. Tel est le triste bilan d’un mariage qui a tourné au drame, dimanche 6 octobre, en Inde, sur le barrage de Pambaru, dans l’État du Tamil Nadu.
C’est ici qu’un groupe de six personnes avait décidé de se prendre en photo. « Ils se tenaient la main et posaient pour des selfies lorsqu’ils ont glissé et sont tombés dans l’eau », rapporte le journal local The Indu Newspaper.
Seul le mari, qui se prenait lui aussi en photo, a réussi à se sauver et à sauver la vie d’une des femmes, mais le reste du groupe s’est noyé. Parmi les victimes figure également un adolescent de seulement 14 ans.
259 morts dans le monde à cause des selfies
Selon des chercheurs de l’All Indian Institute of Medical Sciences, 259 personnes sont mortes à travers le monde en se prenant en photo, pour faire un selfie, entre 2011 et 2017. L’Inde paye le tribut le plus lourd des selfies mortels, suivie par la Russie, les États-Unis et le Pakistan. Le phénomène est tel que les autorités du géant d’Asie du Sud ont décrété des « zones de non-selfies » à certains endroits considérés comme potentiellement dangereux.
En mai dernier déjà, trois jeunes avaient perdu la vie, en Inde, happés par un train en voulant se prendre en photo sur une voie ferrée. Les victimes étaient occupées à prendre des selfies en attendant le plus longtemps possible le passage d’un train derrière elles, avant de sauter sur une deuxième voie ferrée… Sauf que ces jeunes n’avaient pas repéré qu’un autre train arrivait également sur l’autre voie. Deux des victimes avaient 19 ans, la troisième était âgée de 18 ans.
En Inde plus qu’ailleurs, la mode des selfies fascine. « Ce qui compte dans un selfie, c’est « moi » dans une situation précise. Ce n’est pas une problématique narcissique, parce que le narcissisme est très positif, mais plutôt une problématique égotique, de survalorisation de soi », signale Pauline Escandie-Gauquié, maître de conférences à l’Université Paris-Sorbonne CELSA, sémiologue et autrice du livre Tous selfie ! Pourquoi tous accro ?
Une survalorisation qui appelle le maximum de « likes » possible. Le selfie spectaculaire, lui, permet prétendument au sujet de montrer sa force, son courage, sa témérité en se mettant en scène dans des situations exceptionnelles voire dangereuses. « Ce sont des comportements à haut risque qui donnent le sentiment qu’on peut flirter avec la mort, souligne-t-elle. L’aspect transgressif prime dans un selfie. Le selfie est une photographie sociale qui suscite des réactions au sein de sa propre communauté. Notamment chez les ados qui jouent avec les limites, qui se lancent des défis et sont dans une logique de la preuve. Ce qui compte pour eux, c’est : je suis capable, la preuve par l’image, j’y étais… »
Malheureusement, parfois, la prise de risque est trop grande et fatale. En Inde, pourtant, le gouvernement multiplie les messages sur les réseaux sociaux pour demander aux gens de ne pas se mettre en danger pour des selfies. En vain.
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